Ces candidats qui se lancent hors parti politique dans la course à la mairie de Guéret en Creuse

À la veille des élections municipales, la démocratie participative n’a jamais été autant à la mode. Ainsi, nombreux sont ceux à se présenter hors parti, à consulter systématiquement les habitants pour construire leur projet bien en amont, via des réunions, des questionnaires, des pages Facebook. Pourquoi et comment s’y retrouver dans toutes ces candidatures guérétoises où les partis politiques s’effacent ?

Après la débâcle des vieux partis en 2017 et la crise des Gilets jaunes, plusieurs listes ou associations émergent à Guéret. Quasi toutes des listes d’ouverture. Sans bord politique prédéfini. Ou carrément hors parti. Comme le revendique à l’envi Marie-Françoise Fournier qui porte la liste fraîchement intitulée Partageons notre avenir, avançons ensemble pour Guéret. « Il n’est pas utile d’essayer de nous classer à droite ou à gauche. » Cette liste est sans étiquette.

Pourquoi ? « Pour que justement des personnes de toute sympathie ou de toute sensibilité qui sont réunies par l’envie d’essayer de faire quelque chose d’un peu différent puissent se retrouver dans un groupe constitué. » Tous les courants sont représentés. De toute façon, Marie-Françoise Fournier n’a pas de doute : « On peut réfléchir hors parti ».

La toute jeune retraitée du Département estime même que les mouvements politiques ont « un peu vécu », tout en soulignant qu’aucun d’entre eux ne finance la liste qu’elle porte avec Guillaume Viennois. Marie-Françoise Fournier affiche cette « liberté absolue ».

« Je ne sais pas si tout le monde peut se revendiquer de cette neutralité-là. » L’intérêt étant de s’entendre autour d’un projet. Un projet qui va être confronté aux habitants sur le terrain, à commencer par « les gens qu’on ne voit nulle part ». Le fait de se détacher de tout parti permet d’acquérir une totale liberté d’action et en même temps de réunir des personnes « qui ne se seraient jamais présentées dans le cadre d’une démarche traditionnelle ».

La démocratie naît de la confrontation d’idées. Si jamais  on ne parle pas politique mais de quoi va-t-on parler ?

Un avis pas du tout partagé par David Gipoulou, adjoint Guéret Terre de gauche sortant (Insoumis) qui estime qu’on peut mêler à la fois démocratie participative et ancrage politique, en l’occurrence à gauche. « La démocratie naît de la confrontation d’idées. Si jamais on ne parle pas politique mais de quoi va-t-on parler alors ? ».

La stratégie de Guéret Terre de gauche

D’ailleurs, il rappelle qu’avec Guéret Terre de gauche ils ont déjà posé des jalons en 2014, lors des dernières élections, notamment avec les mercredis du projet. Des réunions thématiques avec des experts citoyens qui étaient ouvertes à la population. Une formule qui sera reprise dans les prochaines semaines, sous un autre nom.

Sans oublier les 6.000 questionnaires qui ont été distribués aux Guérétois dans les boîtes aux lettres cet été, en amont des élections. Il y a eu 300 réponses papier, sans compter celles arrivées sur le site internet. « Globalement, il y a une prise de conscience écologique. Le résultat nous conforte dans nos positions. » Ensuite, la critique qui revient le plus souvent sur la table est le manque de concertation de la population.

« Le questionnaire confirme qu’on ne fait pas assez appel à eux. » Là-dessus, il propose de mettre en place un référendum municipal et un droit d’interpellation du conseil municipal. Guéret Terre de gauche aimerait aussi tester le vote préférentiel (1). « Il permet à l’électeur de choisir plusieurs candidats en indiquant un ordre de préférence. »L'association Guéret 2020 a déjà organisé plusieurs réunions thématiques comme cette dernière sur la sécurité.Mais David Gipoulou n’est pas le seul à gauche à prôner une démarche participative. Éric Correia et Delphine Bonnin (sortants de la majorité de gauche) ont organisé dès le mois de juin une première réunion pour présenter leur association Guéret 2020.

On s’y est pris en amont afin de co-construire avec la population un projet qui pourrait servir de base pour un programme pour les municipales.

Selon le président de l’Agglo (socialiste), cette démarche n’est que la suite logique de celle déjà entreprise avec le Projet du territoire du Grand Guéret depuis deux ans. « Nous avons fait le choix du participatif. On a commencé avec un questionnaire envoyé à tous les foyers de l’Agglo. Il y a eu 2.300 réponses. Sans oublier les ateliers qui ont suivi. » Et Éric Correia de rappeler que l’Agglo a d’ailleurs un directeur du développement local participatif, Baptiste Ridoux, depuis 2018. « L’un des rares dans une collectivité, se targue-t-il. C’est une pratique qui ne vient pas comme ça ! »Et c’est justement parce que cette démarche se veut participative, justifie Éric Correia – qui refuse de renier ses origines socialistes – qu’elle doit être ouverte. Et hors parti. Avec l’association, personne n’est exclu. Même si Éric Correia résume la ligne de Guéret 2020 comme « une ligne de gauche, écologique, démocrate et républicaine ».

En rappelant que sa démarche n’est pas une exception. La Souterraine, Bordeaux, dans beaucoup d’endroits, il se passe la même chose. « Cette notion de participation, je pense que c’est une nécessité. Je n’oublie pas non plus tout ce qu’ont fait remonter les Gilets jaunes et leur demande de participer davantage. Cette parole n’est pas assez écoutée par le gouvernement de notre pays. De toute façon, j’ai toujours dit que le renouveau part du local, des territoires. Et je continue à le faire avec les personnes qui ont envie de travailler pour l’intérêt général de la ville. »

De son côté, Éric Daubechies (patron du Modem creusois) juge la consultation « obligatoire ». Lui qui se dit Macron-compatible et préfère qu’on l’appelle animateur de l’association plutôt que candidat pour l’instant, consulte la population pour faire le bilan de la ville et trouver les sujets principaux de la campagne. Cela signifie-t-il qu’un Nouveau souffle pour Guéret, son association, manque d’idées ? Que nenni, répond Éric Daubechies qui a tout de même une liste prédéfinie de thématiques dans ses cartons. Cette démarche permet d’ouvrir les portes du débat à tous ceux qui auraient envie de participer sans pour autant pouvoir s’engager pour tout un mandat.

On a besoin d’actualiser en permanence l’intérêt du citoyen. On veut s’assurer avant l’élection qu’on a bien la même vision de comment doit évoluer la ville.

Une liste d’ouverture donc. C’est-à-dire que le président du Modem refuse de présenter une liste dite centriste, avançant qu’il avait déjà amorcé une démarche d’ouverture similaire lors des dernières élections. Regroupant des sensibilités différentes. « Mon but est d’animer cette association pour apporter ma petite pierre à l’édifice de ces élections municipales. »

Mais alors comment définir cette ligne comme toutes les autres ? Pour Un nouveau souffre pour Guéret, c’est un projet local avec « une vision positive et plutôt entrepreunariale. On a envie que les choses changent. On n’est pas très satisfaits du passé et on ne voit pas très bien le futur, c’est pour cela qu’on a entamé cette démarche-là. »

Quatre listes possibles au demeurant, quatre envies d’ouverture et de changement. Reste à voir si les programmes, eux aussi, seront teintés de renouveau. 

Virginie Mayet

(*) Vote préférentiel : mode de scrutin de liste autorisant les électeurs à établir un classement des candidats.