Le professeur Jean Beytout du CHU de Clermont-Ferrand : « On n’a rien à perdre et tout à gagner à se faire vacciner ! »
Ancien chef du service des maladies infectieuses du CHU de Clermont-Ferrand, le professeur Jean Beytout a repris du service. Il participe aux activités de diagnostic et de prévention en Auvergne et est investi dans la campagne de vaccination au CHU Gabriel-Montpied.
Il en appelle aussi à la poursuite des dépistages massifs, seuls à permettre de voir les taux d'incidence et de circulation du Covid.
Comment se déroule la campagne de vaccination ?
Tout se déroule bien dans l’ensemble. Il y a une demande importante des personnes éligibles à ces vaccinations : personnes âgées de plus de 75 ans, personnes fragilisées par différentes pathologies, personnels soignants…
Les structures locales ou régionales ont essayé de prendre les meilleures dispositions pour que les vaccinations se réalisent au mieux. Le conseil départemental, les municipalités ont mis en place des centres de vaccination ou, quand il n’y en a pas à proximité, prévu des transports pour amener les personnes n’ayant pas de facilités de déplacement.
A la Tour-d’Auvergne par exemple, un jour par semaine, une navette amène des personnes se faire vacciner au Mont-Dore.
Des médecins généralistes, des médecins retraités, des infirmières en activité ou retraitées se sont par ailleurs portés volontaires pour vacciner dans le cadre des structures fixes ou participer à l’activité de structures mobiles (dans les Ehpad).Et au niveau des approvisionnements de doses ?
La problématique actuelle est le coup de frein que va provoquer la limitation du nombre de flacons du vaccin Comirnaty®, du laboratoire BioNTech-Pfizer®, seul utilisé jusqu’à présent dans le Puy-de-Dôme.
En respectant les recommandations officielles, nous ne pouvons déjà pas couvrir les besoins, même en étant très économes (six doses par flacon et utilisation systématique de toutes les doses…). La perspective d’une réduction de la livraison des vaccins pour notre département affecte les programmes de vaccinations des centres et des restrictions doivent être envisagées.
Ces six doses au lieu de cinq n’altèrent en rien l’efficacité du vaccin ?
Non, la dose vaccinale a un volume de 0,3 ml et les flacons le contiennent largement. La préparation est délicate et, quelquefois, des déperditions peuvent se produire…
Mais, en règle générale , le préparateur - qui est habituellement celui ou celle qui pratique l’inoculation intra-musculaire - arrive pratiquement à chaque fois à obtenir six doses.Le professeur Jean Beytout (ici à droite) est notamment présent sur le site du CHU Gabriel-Montpied, à Clermont-Ferrand (photo Richard Brunel)
On a l’impression que la population adhère de manière plutôt satisfaisante à la vaccination dans le Puy-de-Dôme...
Les personnes de plus de 75 ans vivant à leur domicile (qui ont le plus récemment accédé à la vaccination) se sont portées volontaires et ont en peu de temps saturé les possibilités de rendez-vous proches.
Apparemment, bien plus que les Ehpad qui étaient les premières indications de la vaccination : les premières données faisaient ressortir un taux de consentement à peine supérieur à 50 % chez les résidents et encore moindre pour le personnel.
Les équipes vaccinales étaient parfois un peu déçues de leurs prestations… Aujourd’hui, avec l’expérience, il y aurait moins de réticence.
En effet, on peut être rassuré sur la bonne tolérance du vaccin et on s’aperçoit que l’on n’a rien à perdre et tout à gagner à se faire vacciner ! C’est particulièrement vrai pour les Ehpad qui constituent des communautés où, lorsque le loup est entré dans la bergerie, on assiste à des épidémies meurtrières.
L’intérêt de vacciner le personnel comme les résidents y est particulièrement élevé : il protège directement les personnes fragiles que sont les résidents et il participe à réduire la transmissibilité dans l’établissement.
Beaucoup de familles ont compris ce double intérêt de se faire vacciner, individuel et collectif. Reste à attendre le temps nécessaire pour obtenir une bonne immunisation : plusieurs semaines d’après les données des études cliniques biologiques du dossier de validation du vaccin.Êtes-vous inquiet face à l’apparition des nouveaux variants ?
Oui bien sûr, c’est là aussi un enjeu assez important qui n’était pas trop envisagé l’an dernier.
Avec le variant anglais, on voit bien qu’il y a un rebond de la transmission, notamment dans les pays et même les zones de France les plus touchées. Heureusement, le vaccin Comirnaty® de BioNTech et Pfizer® dont nous disposons resterait bien efficace vis-à-vis de cette souche !
Et puis on voit se profiler la possibilité d’arrivée en France d’autres variants comme le sud-africain - qui serait déjà bien implanté à Mayotte - et le brésilien, vis-à-vis desquels les biologistes essaient d’évaluer l’efficacité de la réponse immunitaire induite par les vaccins…
Un troisième confinement est-il inévitable selon vous ?
C’est une hypothèse qui paraît de plus en plus envisageable.
L’épidémie de Covid-19 est repartie à la hausse, notamment en région parisienne : plus de morts, plus d’hospitalisations, entre autres en réanimation, plus de dépistage de portage viral : le variant anglais, plus épidémiogène serait en grande partie responsable de ce rebond épidémique...D’après les derniers chiffres que j’ai vus, ça ne semble pas être trop le cas, jusqu’à présent, dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Je pense que ces données épidémiologiques et biologiques seront particulièrement prises en compte pour décider de mesures restrictives supplémentaires dès la semaine prochaine.
Vous insistez également sur la nécessité de ne pas oublier le dépistage...
Il faut continuer à diagnostiquer les infections, prélever les cas contacts et détecter les sujets peu symptomatiques ou asymptomatiques (qui contribuent le plus à la diffusion du virus) !
Aujourd’hui, le nombre de tests est moindre qu’à la fin de l’année dernière. On a l’impression que la vaccination, en rassurant sur la perspective de se sortir de cette épidémie, dissuade beaucoup d’entre nous de se faire tester, et peut-être même de maintenir les mesures - barrières.
On a intérêt à maintenir un niveau de prélèvements élevé : c’est un élément important d’évaluation de l’épidémie et d’évaluation de la circulation virale et de détection de l’apparition éventuelle de nouveaux variants (notamment chez les personnes provenant ou ayant voyagé dans des pays ou des zones où ils circulent avec une prévalence élevée).
Il ne faut pas lever le pied sur le dépistage !
Les mesures barrières restent encore aujourd’hui le moyen essentiel pour protéger et limiter l’impact de l’épidémie due au virus Sars-CoV2 sur les individus et la population. Elles ont d’ailleurs était renforcées récemment : distanciation à 2 mètres, abaissement du couvre-feu à tout le territoire national.
La vaccination en est encore à ses débuts, n’a pas encore d’effet protecteur sur les personnes vaccinées et ne saurait avoir d’impact sur l’épidémie avant de nombreux mois…
L’apparition de nouveaux variants susceptibles d’accélérer l’épidémie, et éventuellement moins sensibles à l’efficacité protectrice des vaccins, constitue une source d’inquiétude. Vigilance et maintien des mesures des mesures physiques restent primordiaux.
Propos recueillis par Gaëlle Chazal