Sécheresse : pourquoi le retour de la pluie ne suffira pas
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Les jours se suivent et se ressemblent. En Ile-de-France, la pluie tombe quasi quotidiennement depuis une semaine. Idem dans le Nord-Pas-de-Calais, pourtant en alerte sécheresse malgré des épisodes pluvieux. En cause : des précipitations accumulées qui ne suffisent pas à combler le déficit. "Le risque d’aggravation de l’état des milieux et la tension sur l’alimentation en eau potable restent élevés. En particulier dans le bassin versant de l’Yser, la diminution continue du débit de l’Yser met en risque le milieu naturel aquatique", écrit la préfecture du Nord dans un communiqué publié vendredi 28 juillet.
Même scénario dans le Limousin. Le déficit de pluie en juillet sera de 40 à 50 % par rapport à une année "normale", déclarait ce lundi Météo-France au micro de France Bleu, même si la situation n’a rien à voir avec ce qu’on a connu l’an passé. Si les Français ont l’image d’un été mouillé, les chiffres de Météo-France démontrent le contraire. Dans son dernier bulletin publié ce lundi 31 juillet, l’institution constate qu’en "moyenne sur le pays, la pluviométrie du mois de juillet 2023 est déficitaire d’environ 10 %. L’assèchement des sols s’est le plus souvent poursuivi durant le mois de juillet, sauf sur un large quart nord-ouest […] Les cumuls de précipitations sont déficitaires sur une large moitié sud du pays. Sur la Corse et plus localement sur le pourtour méditerranéen, les cumuls sont inférieurs à 5 mm."
Du Nord au Sud, les précipitations restent très hétérogènes en fonction des territoires : pas la moindre goutte d’eau sur certaines villes méditerranéennes comme Nîmes ou Perpignan quand d’autres régions proches de la Manche ont été correctement arrosées avec + 32 % à Abbeville, + 21 % à Caen, + 12 % à Brest, + 10 % à Rennes, rapporte toujours Météo-France. "A noter aussi des orages qui ont donné de bons cumuls de pluie comme en Bourgogne avec 62 mm soit un excédent de + 19 %", continue le service météorologique.
Plusieurs types de sécheresse
Une fois balayée l’idée d’un été pluvieux, qu’en est-il des pluies tombées ces derniers jours ? "En ce moment, les pluies vont résoudre les problèmes de sécheresse agricole. Quand il pleut en été, l’eau va être utilisée par toute la végétation (les arbres, les cultures…), explique à L’Express Françoise Vimeux, climatologue et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Nous distinguons trois types de sécheresse : la sécheresse météorologique (le déficit de pluie), la sécheresse agricole (les deux premiers mètres du sol) et la sécheresse hydrologique (les nappes phréatiques et les cours d’eau). La pluie qui tombe dernièrement vient réduire la sécheresse agricole."
Des pluies qui tombent à pic pour les agriculteurs, bien que la situation reste hétérogène. "Cette année, les prévisions de rendement des grandes cultures seraient meilleures qu’en 2022 mais c’est moins le cas de certains agriculteurs, notamment dans le sud de la France qui souffrent de la sécheresse qui sévit depuis plusieurs mois, voire depuis plus d’un an comme les Pyrénées-Orientales", déclare Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue, auteure du livre L’eau, fake or not ? Parfois, la situation n’est pas la même à l’intérieur d’un département. "En Côte-d’Or, c’est très bon dans le sud du département, à la fois en termes de qualité et de quantité […] Dans le Nord, les cultures ont davantage souffert de la sécheresse", explique Clément Babouillard, représentant du syndicat agricole de la FDSEA 21 à nos confrères de France 3.
L’été, la pluie ne recharge pas les nappes phréatiques
Mais derrière les champs plus verts, les profondeurs des sols sont loin d’être régénérées. "Pour les petits cours d’eau comme pour les fleuves, on reviendra rapidement aux débits de base estivaux car l’eau va ruisseler, s’infiltrera un peu mais ne rechargera pas efficacement les nappes qui jouent un rôle de soutien à l’étiage des cours d’eau en cette période [NLDR : fonction d’alimenter en eau les cours d’eau pendant les périodes de bas débits, soit en été pour la majeure partie des cours d’eau français]", précise l’hydrologue Charlène Descollonges. D’après le dernier bulletin de situation des nappes d’eau souterraine du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le niveau des nappes phréatiques était déficitaire sur 66 % du territoire. A titre de comparaison, l’année dernière à la même époque, 75 % d’entre elles étaient déficitaires. "Et on peut difficilement espérer une recharge efficace des nappes avant l’automne", assure l’experte.
En France, les nappes phréatiques ne se remplissent que pendant la période hivernale. Il pleut beaucoup et régulièrement, ce qui va permettre à l’eau de s’infiltrer par le sol de surface et en profondeur. "Les pluies d’été et d’hiver ne servent pas à la même chose. Les pluies d’été humidifient le sol et sont utilisées par la végétation. Les pluies d’hiver, elels, viennent remplir les nappes phréatiques, souligne Françoise Vimeux. Par ailleurs, la pluie d’été évite de nous servir de l’eau, par exemple pour arroser nos jardins. Il faut bien comprendre que nos nappes phréatiques sont une ressource d’eau douce importante et une ressource pour l’irrigation."
Pour bien comprendre l’impact de la pluie, plusieurs paramètres sont à prendre en compte. En premier lieu : l’intensité de la pluie et la demande évaporatoire de l’atmosphère qui dépend des températures. "Il y a une différence entre une pluie qui fait un millimètre par heure, d’une pluie qui en fait 30. Une pluie très fine va avoir le temps de s’infiltrer dans les sols, si tant est que le sol puisse l’absorber (si c’est du bitume, l’eau ne peut pas s’infiltrer donc ruisselle)", précise Charlène Descollonges. Quand il y a une pluie intense, l’eau n’a pas le temps de s’infiltrer dans le sol et on n’a pas de recharge efficace des cours d’eau.
"Dans le cas de températures anormalement élevées, avec des vagues de chaleur, on a une plus forte évaporation du sol et de la végétation", poursuit-elle. L’eau sera donc reprise dans l’atmosphère et ne pourra pas recharger les nappes et les cours d’eau. Bien que la pluie d’été ne possède pas les mêmes vertus, elle reste importante pour endiguer la sécheresse de surface et humidifier la végétation. Mais encore faut-il que ces pluies se maintiennent au mois d’août. Qu’en dit Météo-France ? "Nos prévisions saisonnières envisagent un mois d’août chaud (+1,5°C) avec des précipitations légèrement excédentaires par rapport à la normale en lien avec une tendance orageuse qui pourrait être assez marquée du sud-ouest au nord-est." Le sol devrait donc redevenir plus sec.