Fragilités en partage
Il arrive parfois que les rôles s’inversent. De manière presque insensible au début. Puis la bascule s’opère dans un mélange de chagrin et de stupeur. De parent ou d’enfant, il n’est plus question. Quand la maladie dévore le corps ou l’esprit, l’ordre des choses cède devant la fatalité. On ne choisit pas, un jour, de devenir aidant, ce statut qui n’apporte ni gloire, ni reconnaissance, ni droit au bonheur, mais plutôt épuisement, sentiment de solitude et même culpabilité de ressentir un poids. Très vite, on peut s’oublier dans ce rôle bien trop grand. Il est si douloureux de voir s’étioler une personne aimée. Alors, quand la société tout autour avance dans le déni, parquant les vulnérabilités dans des sphères délimitées, elle alourdit le fardeau. Beaucoup d’aidants finissent par s’oublier ; beaucoup aussi meurent avant même la personne qu’ils assistent. Leur offrir un court répit est presque anecdotique quand il faudrait que toute la société sache prendre conscience de ses propres fragilités pour mieux en saisir les expressions particulières. Climat, guerre, épidémie… Les crises s’enchaînent comme autant de vulnérabilités en partage .
l’éditorial
Florence Chédotal