Qui a vendu le plus de livres en 2025 ? De Nicolas Sarkozy à Anne Hidalgo, les grands gagnants... et les perdants
Chaque année, c'est l'article qui nous vaut le plus de doléances de la part du petit monde de l'édition. Comme d'habitude avant Noël, L'Express dresse le bilan des ventes de livres avec les chiffres de notre partenaire Edistat. Un inventaire comptable, non exhaustif, révélateur des tendances du public, des stratégies marketing, de la mainmise de certains éditeurs sur les jurys littéraires ou de la chute d'anciens chouchous des librairies. En 2025, Gallimard et Fayard ont triomphé, dans des registres très différents. Chez les politiques, Jordan Bardella et surtout Nicolas Sarkozy surnagent, alors que Jean-Luc Mélenchon a, bien malgré lui, servi d'inspiration à plusieurs essais à succès.
Les tops
McFadden fait toujours le ménage autour d’elle
Avec ses millions de livres vendus depuis son apparition dans les librairies françaises en 2023, Freida McFadden ne laisse que des poussières à la concurrence. Personne ne fait le poids à côté de La Femme de ménage (City) et autres titres. En 2025 sont sortis trois nouveaux grands formats : La Prof, La Femme de ménage se marie et Le Boyfriend. Cette stakhanoviste du best-seller, qui semble écrire ses livres encore plus vite que Simenon, a fini par intriguer : cacherait-elle une IA ? Aux dernières nouvelles, elle existe réellement – elle est médecin et vit à Boston avec son mari, leurs deux enfants et leur chat. Ses fans français, eux, sont aux anges. L’adaptation de La Femme de ménage (avec Sydney Sweeney et Amanda Seyfried) sort le 24 décembre, et un nouveau roman, La Locataire, suivra en février.
Fayard et Vincent Bolloré
C'est la vengeance éditoriale du Edmond Dantès de la droite. Le Journal d’un prisonnier de Nicolas Sarkozy est parti comme un boulet de canon, avec près de 100 000 ventes en une semaine, et plus de 50 000 la suivante. Vitrine idéologique du groupe Hachette appartenant à Vincent Bolloré, Fayard a multiplié les cartons. Populicide de Philippe de Villiers en est à 175 000 exemplaires. Dans le registre lamento civilisationnel, le Vendéen, qui a eu droit à trois Unes du JDNews (dont l’actionnaire se nomme Vincent Bolloré) fait bien mieux qu’Eric Zemmour et sa Messe n’est pas dite (70 000). Le deuxième livre de Jordan Bardella, Ce que veulent les Français, en est lui à près de 100 000 exemplaires.
Salomé Saqué, la nouvelle Stéphane Hessel
Face aux succès de la droite dure chez Fayard, la journaliste de Blast Salomé Saqué fait, à elle seule, contrepoids idéologique. Paru en 2024, Résister (Payot) n'a cette année pas quitté notre classement essais-documents - il s'approche des 400 000 exemplaires. Ce manifeste vendu aux caisses des librairies pour la modique somme de 5 euros rappelle le phénomène Indignez-vous! de Stéphane Hessel. Rue de l’Echiquier vient d'ailleurs de le rééditer avec une couverture rafraîchie et une préface de… Salomé Saqué.
L’irréductible Astérix
Astérix est apparu en 1959 : il a donc fêté ses 66 ans. A cet âge ou d’autres partent à la retraite, le guerrier gaulois a repris du service dans Astérix en Lusitanie (Hachette) de Didier Conrad et Fabcaro, un excellent épisode riche en bons jeux de mots et en situations cocasses. Avec déjà plus de 1,6 million d’exemplaires vendus, c’est un énorme succès. Notons que le scénariste Fabcaro, également romancier sous le nom de Fabrice Caro, poursuit une belle carrière dans ce registre-là : si Les Derniers Jours de l’apesanteur (Gallimard) n’ont pas réédité le carton du Discours ou de Broadway, le livre est quand même à près de 30 000 exemplaires, ce qui est très honorable dans le contexte actuel.
La domination de l’empire Madrigall
La première liste du Goncourt avait fait jaser : on y trouvait aucun titre Grasset, mais cinq Madrigall (en additionnant Gallimard et ses filiales Minuit, P.O.L et Verticales). Un an après le sacre annoncé dès le mois de juin de Kamel Daoud, y a-t-il encore une compétition ? A l’arrivée, Madrigall a remporté le prix Goncourt (avec La Maison vide de Laurent Mauvignier), le prix Médicis (avec Kolkhoze d’Emmanuel Carrère) et le prix Femina (avec La Nuit au cœur de Nathacha Appanah). Il faut y ajouter le prix Goncourt des lycéens (Appanah bis), le prix Renaudot des lycéens (Appanah ter) et même le Goncourt des détenus (avec La Collision de Paul Gasnier). On aurait pu laisser ces lauriers à Nicolas Sarkozy pour Le Journal d'un prisonnier ! Rappelons enfin que même Freida McFadden participe à la prospérité de l’empire Madrigall puisqu’elle est publiée en poche chez J’ai Lu (donc chez Flammarion, autre filiale du groupe). Pour Antoine Gallimard, les années exceptionnelles se suivent et se ressemblent…
Le punching-ball Mélenchon
Si l’on se fie aux chiffres de l’édition, 2025 a marqué un tournant dans la perception de La France insoumise et de son leader Jean-Luc Mélenchon. Enquête sur le système clanique, le culte de la personnalité et les purges au sein du parti, La Meute de Charlotte Belaïch et Olivier Pérou (Flammarion) s’est vendu à plus de 120 000 exemplaires. Les Complices du mal d’Omar Youssef Souleimane (Plon), qui dénonce la complaisance de LFI par rapport aux islamistes, en est à plus de 70 000. Les nouveaux antisémites de Nora Bussigny (Albin Michel) à plus de 15 000. Et Passion antisémite de Richard Malka (Grasset), restitution de la plaidoirie de l’avocat dans le procès qui opposait Raphaël Enthoven au parti insoumis, déjà à plus de 10 000 alors qu’il vient de paraître. L’anti-mélenchonisme fait vendre, mais n’est pas de tout repos, valant à ces journalistes et auteurs de nombreuses menaces.
Adèle Yon, porte-parole de la santé mentale
A la sortie de Mon vrai nom est Elisabeth (Editions du sous-sol) début février, personne n’avait jamais entendu parler d’Adèle Yon. Un an plus tard, elle est devenue un phénomène de société, grâce à un livre qui atteint les 200 000 exemplaires et continue de se vendre chaque semaine à plusieurs milliers d'exemplaires. Avec cette enquête psycho-généalogique sur l’enfermement et la lobotomie de sa grand-mère, Adèle Yon a anticipé la tendance forte de l’année. En mars, Nicolas Demorand a publié Intérieur nuit (Les Arènes), autre gros succès (150 000 exemplaires). En mai, comme un symbole, le psychiatre Raphaël Gaillard, chargé du pôle hospitalo-universitaire de Sainte-Anne, a été reçu à l’Académie française. Augustin Trapenard a alors consacré un numéro de La Grande Librairie à la santé mentale. Aucun thème n’aura autant marqué les esprits ces derniers mois.
L'heure de Giuliano da Empoli
A L'Express, les fans du brillant Giuliano da Empoli sont nombreux. Nous ne sommes visiblement pas les seuls. Après son formidable roman Le Mage du Kremlin, le politiste franco-suisse a encore frappé fort avec L'Heure des prédateurs (Gallimard, près de 180 000 exemplaires ), une lecture indispensable pour comprendre l'ascension des fauves Donald Trump, Mohammed ben Salmane ou Nayib Bukele, comme les ambitions des seigneurs de la technologie (Elon Musk, Mark Zuckerberg), qui rêvent tous de mettre la démocratie libérale en cage.
Les abonnés aux 100 000 exemplaires
Dans un marché du livre qui ne cesse de s’effriter (voire de s’effondrer, mais ne soyons pas trop pessimistes), certains résistent saison après saison. Citons notamment Amélie Nothomb (Tant mieux, Albin Michel), David Foenkinos (Tout le monde aime Clara, Gallimard), Leïla Slimani (J’emporterai le feu, Gallimard), Franck Thilliez (A retardement, Fleuve), Agnès Martin-Lugand (Les Renaissances, (Michel Lafon) ou Ken Follett (Le Cercle des jours, Robert Laffont), qui ont tous franchi la barre des 100 000 exemplaires. Ayant publié tard, en novembre, Maxime Chattam a déjà rejoint le club avec 8,2 secondes (Albin Michel). A l’échelon supérieur, citons Pierre Lemaitre (Un avenir radieux, Calmann-Lévy) et Virginie Grimaldi (Les Heures fragiles, Flammarion), tous les deux largement au-dessus des 200 000 exemplaires.
Les chroniqueurs de Quotidien
S’ils ne brillent pas toujours par leurs qualités littéraires, les sémillants collaborateurs de Yann Barthès font un tabac en librairie. Dans le sillage de Lilia Hassaine et Panayotis Pascot, Ambre Chalumeau et Paul Gasnier ont connu des débuts en fanfare avec Les Vivants (Stock) et La Collision (Gallimard), écoulés autour des 70 000 exemplaires. On imagine que les enchères montent auprès des derniers chroniqueurs de Quotidien qui ne se sont pas encore pris pour Annie Ernaux…
La résurrection des aristos
Depuis la mort de Jean d’Ormesson, on pensait ne plus jamais voir de particules dans les meilleures ventes. C’était compter sans le très élitiste jury du Renaudot. En accordant son prix du roman à Adélaïde de Clermont-Tonnerre pour Je voulais vivre (Grasset) et son prix de l’essai à Alfred de Montesquiou pour Le Crépuscule des hommes (Robert Laffont), il a boosté ces deux titres – la première a dépassé les 100 000 exemplaires. Précisons que Clermont-Tonnerre et Montesquiou ne sont pas seulement des familles nobles – on parle là de maisons ducales. Au fond de son cercueil, Saint-Simon doit boire du petit lait.
Les flops
L’échec du deuxième acte
En rock, on parle du toujours difficile deuxième album. C’est pareil en littérature : difficile de revenir après un tube qui a fait date. Avec Patronyme (Grasset), La Realidad (P.O.L) et Immortels (Seuil), Vanessa Springora, Neige Sinno et Camille Kouchner n’ont pas réussi à dupliquer le succès fou du Consentement, de Triste Tigre et de La Familia Grande. C’est pour Camille Kouchner que la chute fut la plus brutale, avec des ventes divisées par trente. Publiera-t-elle un troisième livre ?
Le blues des politiques
Les années se suivent et sont impitoyables pour les politiques qui ne s'appellent pas Nicolas Sarkozy ou Jordan Bardella. Ségolène Royal a beau être allée chez Fayard, son Mais qui va garder les enfants ? s’est écoulé à 1000 exemplaires, soit 300 de plus que Résister de Anne Hidalgo (L’Observatoire). Candidate à la présidentielle, Marine Tondelier a certifié que son Demain, si tout va bien… (Albin Michel) était imprimé à 18 000 exemplaires, mais ses ventes réelles dépassent à peine les 4 000. Le Rien n’est jamais écrit de Xavier Bertrand (Robert Laffont) a séduit moins de 3 000 lecteurs. Eric Dupont-Moretti fait mieux avec son Juré, craché (Michel Lafon, 16 000). Signalons que Dissolution française (Robert Laffont), le témoignage posthume d'Olivier Marleix qui s'est suicidé en juillet, a trouvé son public avec 25 000 exemplaires.
Dan Brown a perdu le code
Il peut paraître curieux de classer un roman qui s'est vendu à 240 000 exemplaires parmi les losers de l'année. Mais l'éditeur JC Lattès avait communiqué sur un tirage faramineux de 500 000 exemplaires pour le Secret des secrets de Dan Brown. Les scientifiques ne seront pas trop chagrinés pas ce succès en demi-teinte, tant le roi du thriller ésotérique maltraite ici la physique quantique et les neurosciences.
"Vu à la télé", inconnu en librairie
Audiovisuel et livres sont des médias très différents. Si Arthur Essebag a touché plus de 40 000 acheteurs avec son courageux J'ai perdu un bédouin dans Paris (Grasset), d'autres habitués de la télévision ou de la radio ont fait un bide. Le maigre pamphlet de Jean-Michel Aphatie contre Cyril Hanouna (T'es une merde, frère, Robert Laffont), publié en très gros caractères, n'a pas dépassé les 2 500 exemplaires. Bruce Toussaint fait à peine mieux avec Dites-lui que je pense à elle (Stock). Mauvaises ondes aussi pour Radioactive de l’ancienne directrice de France Inter Laurence Bloch (Stock, 800 exemplaires).