Loi El Khomri: le gouvernement renonce à plafonner les indemnités prud'homales pour "un nouveau départ"
"Le choix que nous faisons aujourd’hui est donc d’en rester à un barème indicatif dans la loi, qui sera une aide pour les juges prud’homaux, mais pas un carcan", a déclaré le premier ministre Manuel Valls, selon son discours transmis à l'AFP. Les réactions "suscitées, les questionnements, les inquiétudes" soulevées par l'avant-projet de loi "ont rendu nécessaire une nouvelle phase de concertation", qui a permis "d'enrichir, d'améliorer, d'approfondir cette réforme", a noté le chef du gouvernement. "C’est donc à un nouveau départ de ce texte que j’appelle", a-t-il ajouté.
"Dialoguer, ce n'est ni reculer ni s'arquebouter", a insisté Manuel Valls lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion avec les partenaires sociaux. Pour le premier ministre, qui a assumé ses désaccords avec les syndicats qui réclamaient un retrait pure et simple de la loi, l'objectif est d'aboutir à un "compromis intelligent et efficace".
S'agissant des licenciements économiques facilités, l'autre point litigieux du texte, les nouveaux critères sont maintenus mais avec un contrôle accru du juge pour éviter les abus des entreprises. La justice pourra vérifier que les multinationales n'organisent pas artificiellement leurs difficultés économiques sur le territoire français pour licencier, a annoncé lundi Matignon. S'il est établi que les difficultés financières ont été organisées artificiellement, les licenciements seront requalifiés en licenciements sans cause réelle et sérieuse. Une garantie là encore censée rassurer les partenaires sociaux qui redoutent une avalanche de licenciements économiques.
Parmi les autres engagements du premier ministre pour tenter d'apaiser la fronde qui s'est soulevée dans le pays: le dirigeant de PME ne pourra plus prendre de décision unilatérale sur le forfait-jour ou les astreintes. "Il n'y aura pas de nouvelle souplesse qui ne sera pas validée par un accord collectif", a annoncé Manuel Valls aux partenaires sociaux. A défaut d'accord, le droit actuel s'appliquera, alors que l'avant-projet de loi fixait jusque-là des droits moins favorables aux salariés.
Concernant la libéralisation des astreintes et du temps de travail des apprentis, autre mesure très critiquée, l'exécutif en revient à la législation actuellement en vigueur.
Concernant la primauté du référendum d'entreprise sur la loi, le gouvernement a décidé de lever le pied sans renoncer au principe. Dans un premier temps, cette disposition, censée permettre aux entreprises de changer les règles législatives avec l'accord de leurs salariés, ne s'appliquera qu'aux questions d’organisation du temps de travail. "Nous pourrons ensuite développer son champ d’application en fonction des retours d’expérience", a promis Manuel Valls.
Un effort pour les jeunes mais pas de compte épargne-temps intégré
Alors que les étudiants appellent à retourner dans la rue, le premier ministre insiste pour que la garantie jeunes, un dispositif d'accompagnement des décrocheurs vers l'emploi, devienne un droit pour tous les jeunes sans emploi ni formation.
"Je souhaite que ce dispositif soit généralisé en 2017. De la même manière que nous créons, avec le CPA, un droit personnel et universel, nous devons créer un droit universel à la garantie jeunes", a-t-il dit. Destiné aux jeunes qui n'ont ni emploi ni formation, le dispositif expérimental de la garantie jeunes offre, pour une durée d'un an, un accompagnement renforcé, des périodes en entreprise et une allocation mensuelle de 450 euros.
En revanche, le gouvernement n'a pas cédé à la demande des syndicats qui exigeaient que le compte épargne-temps, un dispositif qui permet de stocker des congés pour se les faire payer ou les décaler dans le temps, soit intégré dans le futur compte personnel d'activité. La proposition syndicale, qui suscitait l'inquiétude du patronat, ne figure pas dans les modifications du projet de loi travail présentées par le premier ministre Manuel Valls aux partenaires sociaux à Matignon.
Accueil glacial chez les irréductibles, mitigé chez les réformistes
Dans un premier temps, ces efforts manifestes de l'exécutif ont reçu un accueil glacial chez les syndicats qui militent pour un retrait pure et simple du texte. Le secrétaire général de Force ouvrière (FO) Jean-Claude Mailly a une nouvelle fois réclamé lundi le retrait du projet de loi réformant le code du travail, n'étant pas satisfait par les modifications au texte présentées par Manuel Valls.
Je viens de confirmer au Premier Ministre, au nom de FO, faute de suspension, la demande de retrait du projet de loi
— Jean-Claude Mailly (@jcmailly) 14 mars 2016
Le président de l'Unef, premier syndicat étudiant, William Martinet, a lui tweeté un message plein d'ironie avant de maintenir son mot d'ordre à manifester contre le texte.
En direct de Matignon : la #LoiTravail est morte, vive la #LoiTravail !
— William Martinet (@WilliamMartinet) 14 mars 2016
Nouveau projet de #LoiTravail : entre bricolage et rétropédalage, tjrs des régressions pr les jeunes et tjrs convaincu que #OnVautMieuxQueCa
— William Martinet (@WilliamMartinet) 14 mars 2016
La féministe Caroline de Haas, à l'origine de la pétition qui a multiplié les records contre la loi El Khomri, a elle aussi rejeté la nouvelle mouture du texte.
Franchement, #OnVautMieuxQueCa. #loitravailnonmerci
— Caroline De Haas (@carolinedehaas) 14 mars 2016
Du côté des réformistes, la réception de ce nouveau texte est mitigée. La CFE-CGC, principal syndicat des cadres (réformiste), a salué les inflexions tout en maintenant son refus de principe du référendum d'entreprise.
L'unité syndicale réformiste fait bouger les lignes projet @MyriamElKhomri, mais pas tout pour @CFECGC. @manuelvalls retrait référendum
— Carole Couvert (@carolecouvert) 14 mars 2016
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