Des séances de psy gratuites pour ceux qui hébergent des réfugiés
"Les particuliers qui ont répondu à l'appel d'associations souvent novices dans la préparation à l'accueil, explique au HuffPost Nadège Letellier, coordinatrice du projet au Samu Social de Paris, se sont parfois retrouvés dans des situations complexes. J'ai l'exemple d'une famille qui a accueilli un réfugié souffrant de troubles psychiatriques. Personne ne les avait détectés. Or, quelques membres de cette famille présentaient aussi des troubles dépressifs. Leur adolescente était également en pleine crise d'identité. La colocation n'a pas tenu le coup."
Inversement, un réfugié qui se retrouve chez un particulier sort automatiquement des circuits prioritaires de logement. Dès lors, la durée de sa présence chez les habitants devient indéterminée, rendant impossible toute projection dans le futur. Et surtout, cette situation peut engendrer une dette psychologique inconfortable pour la personne exilée qui a besoin de stabilité avant tout.
Une équipe dédiée de 9 personnes
Depuis le début de la crise, 17.000 foyers français ont proposé leurs services auprès de Singa, dont 1600 en Ile-de-France. Mais cet élan bienveillant ne doit pas se transformer en calvaire. Les "placements" doivent être encadrés au niveau éthique et organisationnel.
Le Samu social de Paris met donc à disposition des réfugiés et des accueillants deux psychologues, quatre travailleurs sociaux, deux conseillers en insertion en plus de Nadège Letellier, la responsable de ce projet. "Tous sont bilingues arabophones ou anglophones, préciste-t-elle. On demande d'ailleurs aux familles de parler au moins une de ces langues pour faciliter le dialogue".
Cette équipe commencera à travailler d'ici quelques semaines, le temps de "recruter" sur la base du volontariat 200 familles accueillantes et 100 personnes accueillies pour mener l’expérimentation. Elle propose ainsi:
• Une présélection des personnes à intégrer. La colocation n'est pas faite pour tout le monde. Le réfugié présente-t-il des troubles psychiatriques? Du côté des familles, tout le monde est-il en bonne santé mentale? L'ensemble de la cellule familiale est-elle d'accord pour accueillir un nouveau venu?
• Des séances de psychologie clinique gratuites pour toute personne demandeuse ou émettrice de signes de détresse.
• Un contrat d'engagement mutuel dans lequel chacun sait ce qu'il peut faire ou non. Un contrat permet de connaître les dates de fin d'hébergement et d'alléger la dette psychologique ressentie. Il peut ainsi éviter toute forme d'esclavage moderne. Une participation financière symbolique est aussi envisageable. Si une personne âgée qui a du mal à boucler ses fins de mois propose une chambre, cette participation permet d'éviter que cela pèse sur son budget tout en rappelant à chacun ses droits et ses obligations.
• En cas d'urgence, l'équipe peut se déplacer à domicile.
• Un accompagnement renforcé pour trouver un travail et un logement. Les conseillers proposent de démarcher les entreprises. Une ville de Seine-et-Marne (77), qui participe à l'expérimentation côté logement, a répertorié 300 appartements vides sur son territoire. Les élus sont prêts à convaincre les bailleurs privés de loger les réfugiés qui auront trouvé un travail.
Les éléments difficiles à gérer ne doivent pas pour autant éclipser les bienfaits de ces nouvelles colocations. Elles permettent pour certaines personnes de sortir de l'isolement. Et pour les réfugiés d'être immergés dans la langue et la culture française. Ainsi, le Samu social a constaté que les migrants logés chez l'habitant maîtrisaient les rudiments de la langue en trois ou quatre mois, tandis qu'il fallait un an à deux ans pour ceux qui sont en foyer. Une maison chaleureuse apporte aussi la stabilité nécessaire aux réfugiés pour commencer à se reconstruire.
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