"Aujourd’hui, ils n’acceptent plus les mêmes contraintes" : les saisonniers se font toujours plus désirer en Haute-Loire
Comme chaque année à l’aube de la saison estivale, la chasse aux saisonniers est lancée dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. Les professionnels tentent de s’adapter à la rareté de cette main-d’œuvre ponctuelle, dans un contexte où les candidats ont désormais le pouvoir d’aller où ils veulent. Focus en Haute-Loire.
« C’est catastrophique?! » Cette phrase, Dimitri Pays la prononce telle une ponctuation, quand on lui parle de l’embauche des saisonniers. Le patron du restaurant Planét’Au Dîner, au camping de Brives-Charensac, fait partie de ces nombreux restaurateurs qui font appel chaque année à ces emplois ponctuels, en période de rush. Un passage obligé très stressant voire « angoissant » pour ce chef d’entreprise qui fait toujours face au même problème de recrutement.
« Aujourd’hui, ils n’acceptent plus les mêmes contraintes »Si le monde de la restauration souffre déjà toute l’année d’un manque cruel de main-d’œuvre, la saison estivale ne fait qu’amplifier ce phénomène, au grand dam des professionnels qui ne demandent pourtant qu’à travailler. « On est franchement au bout du bout. On les fait venir grâce à un bon salaire mais concernant les formations et la motivation, on est bien loin de ce qui est demandé. On trouve beaucoup de cuisiniers par exemple qui veulent faire les midis mais jamais les soirs. Idem pour les saisonniers qui travaillent en salle. Avant, lorsqu’on faisait une saison, on savait que l’on venait charbonner tout l’été. Aujourd’hui, les saisonniers n’acceptent plus les mêmes contraintes. Certains partent du jour au lendemain et nous laissent dans des situations catastrophiques. Ils ne veulent plus des horaires en coupure. Mais pour être performant, il faut des semaines pour former quelqu’un », rage Dimitri Pays, à la tête du restaurant depuis près de 12 ans.
Les candidats « en position de force »Pour lui, comme pour de nombreux restaurateurs en Haute-Loire, ces problèmes sont symptomatiques d’un changement profond de la société et de l’évolution du rapport au travail dans de nombreux corps de métiers. Manque de motivation, contraintes liées au métier… Les CV arrivent en nombre dans les boîtes aux lettres des restaurateurs et hôteliers. Pour autant, ces derniers multiplient les annonces de recrutement (cuisiniers, employé polyvalent, second de cuisine, serveur…) sur les réseaux sociaux. Car ils ont bien du mal à trouver chaussures à leurs pieds. « Ils veulent le beurre, l’argent du beurre et la crémière », lance Denis Gagne, le président de l’Union des métiers de l’industrie hôtelière (Umih) de Haute-Loire.
Même s’ils sont nourris, logés et blanchis, le problème reste le même. Ce ne sont pas des professionnels, il faut les former sur place et ils ne veulent plus faire le sacrifice de travailler toute la saison.
Travailler seulement quelques semaines et pas toute la saison, c’est la nouvelle demande qu’enregistrent bon nombre d’employeurs durant la saison estivale. Nathalie Beauvié, gérante du camping d’Audinet à Brives-Charensac, s’est adaptée à ces nouveaux profils de saisonniers pour embaucher les maîtres nageurs et autres guichetiers. « On reçoit bien des CV mais souvent, ça ne colle pas. Notamment au niveau de la temporalité, car ils ne veulent pas travailler les deux mois. Du coup, on propose des contrats d’un mois seulement. C’est plus compliqué pour nous puisqu’on se retrouve début août à former une équipe en pleine saison. Cependant, on a quand même beaucoup moins de problèmes que dans la restauration où les postes sont plus difficiles à pourvoir, notamment par rapport au travail du soir », explique Nathalie Beauvié. Même discours du côté du restaurant L’Émotion.
« C’est mission impossible de trouver quelqu’un qui voudra bien faire les deux mois entiers. Je pense que la vraie problématique est le travail en coupure, mais la restauration, c’est comme ça. Les saisonniers savent qu’ils sont en position de force et que les restaurants cherchent ».
Au-delà du travail en cette période estivale, le mal-être semble être beaucoup plus profond dans le domaine de la restauration, qui requiert des compétences spécifiques avec des profils adaptés qui manquent à l’appel. Même le renommé restaurant Le Chamarlenc au Puy-en-Velay peine à trouver un serveur qualifié. « Depuis un an et demi, on n’a pas eu un CV. On cherche un sommelier ou un serveur et on ne trouve pas. Les gens que nous envoie Pôle emploi sont juste là pour pointer et toucher leurs aides. Il y a un problème de valorisation du travail par rapport à ceux qui restent chez eux, même si les salaires sont bons », lâche Yoan Delorme, le gérant du restaurant désormais étoilé. Conditions de travail, temporalité, qualification… L’évolution sociétale a modifié considérablement le profil des saisonniers qu’il faut désormais séduire et fidéliser.
Christophe Coffy