Risque d'extinction, traumatisme, écosystème fragilisé... Les conséquences des incendies en Australie sur les animaux
Les animaux, pour qui la fuite est parfois impossible, sont les grandes victimes des incendies qui dévorent l’Australie depuis septembre. L’extinction de certaines espèces est à craindre.
Dans un ciel sans cesse teinté d’une lueur crépusculaire, les flammes et les orages de feu dévorent les paysages. Rien ne résiste à ce balai ardent qui a, depuis septembre, laissé à l’état de poussière 8 millions d’hectares de terres australiennes. Vingt-quatre hommes y ont perdu la vie. Le nombre d’animaux morts donne le tournis.
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Le Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw) essaye tant bien que mal de nouer sur place un garrot. Dans les paysages de cendres, elle déploie notamment « Bear », un chien formé à la détection de koalas. D’un coup de truffe, il localise les rares survivants. Membre d’Ifaw, Céline Sissler-Bienvenu nous permet de comprendre l’étendue du désastre.
Selon l’écologue Chris Dickman, « plus d’un milliard » d’animaux ont été tués dans les incendies depuis septembre. Ce chiffre est juste ?
C’est une approche prudente, car cette estimation prend en compte la Nouvelle-Galles du Sud, et non l’ensemble du territoire australien. De plus, ce chiffre considère uniquement les mammifères, les oiseaux et les reptiles, sans prendre en considération les batraciens, les chauves-souris, les insectes. Les pertes seront donc bien plus élevées…
Quels animaux concentrent les inquiétudes ?
Elles se portent sur les espèces endémiques, qu’on ne trouve qu’en Australie. Et plus particulièrement sur les animaux emblématiques tels que le renard-volant (une chauve-souris) ou le koala, qui était déjà considéré comme une espèce menacée.
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La destruction de son habitat, la prédation (c’est un animal qui est lent), les risques de collision et la contraction du chlamydia affectaient déjà grandement leur nombre. Entre 8.000 et 10.000 d’entre eux seraient morts dans les incendies.
Avant cette catastrophe, il n’en restait déjà plus qu’entre 43.000 et 80.000. On est sur des proportions de pertes importantes. Le sauvetage de chaque individu est primordial pour assurer la survie de l’espèce.
Ceux qui ont survécu aux incendies sont-ils totalement tirés d’affaire ?
Cela va être difficile de trouver un endroit où relâcher les individus qui ont été secourus, parce qu’au moins 30 % de leur habitat a brûlé. Il faudra choisir un lieu où ils aient accès à une alimentation suffisante, mais dans le cas des koalas, qui ne se nourrissent exclusivement que d’eucalyptus, la tache s’avère compliquée.
Doit-on craindre l’extinction de certaines espèces ?
La situation est particulièrement tragique pour une souris marsupiale, qui était déjà menacée. Les spécialistes pensent qu’elle va totalement disparaître à l’issue de ces incendies.
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Concernant les koalas, certains experts annoncent déjà une extinction de l’espèce dans certaines zones du pays.
La disparition de certains animaux peut-elle entraîner une autre catastrophe ?
Oui, car on sait très bien qu’à partir du moment où on retire un maillon d’un écosystème, on le fragilise. Automatiquement, on génère un déséquilibre et parfois un dérèglement. Mais pour l’instant, nous ne sommes pas en mesure de dire ce qu’il va se passer.
Ce que l’on sait d’or et déjà, dans les zones dévastées, où il ne reste rien, c’est qu’il faudra des dizaines et des dizaines d’années avant qu’on retrouve un certain équilibre, pour qu’il y ai un repeuplement, une revégétalisation.
Existe-t-il un syndrome post-traumatique chez les animaux ?
Nous savons qu’il existe chez les éléphants, qui sont chez Ifaw des animaux que nous connaissons bien. Le koala est une espèce extrêmement sensible, donc certains d’entre eux auront sans doute beaucoup de difficulté à être réhabilités.
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Le traumatisme pourrait notamment impacter leur capacité de reproduction. Ces animaux vont bénéficier d’un suivi très resserré.
Comment la nature peut-elle se remettre dans un pays où les incendies sont légion ?
Les incendies, on le sait, ont lieu chaque année en Australie. Cependant, cette fois-ci, ils ont commencé beaucoup plus tôt et le sol était très sec. Avec le dérèglement climatique, la virulence et la récurrence de ces feux seront de plus en plus importants dans les années à venir.
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Dans le passé, les feux pouvaient passer très vite sur certaines zones et s’arrêtaient. Ca laissait des poches, des réservoirs naturels, qui permettaient à la nature de reprendre assez rapidement. Elle était adaptée à ces feux plus modérés.
Beaucoup reprochent au gouvernement australien de prendre à la légère le dérèglement climatique. À l’avenir, comment devra-t-il agir ?
On est face à une situation d’urgence, que ce soit pour la faune ou pour les communautés humaines. Il est utopique de penser qu’on pourra un jour empêcher les feux, mais il faut trouver un moyen de les contenir et de les éteindre rapidement.
Lors d'une grande manifestation vendredi, à Sydney, les participants ont réclamé au gouvernement plus d'actions de sa part pour défendre l'environnement. Photo AFP
Le gouvernement devra travailler sur des plans de réduction des risques, réfléchir aux prochains modes d’intervention et solliciter de l’aide. Il faudra probablement innover. Les méthodes habituelles, comme les pare-feu, semblent ne pas être totalement efficaces.
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Ce drame aura-t-il un impact sur les mentalités ?
Espérons. On a une démonstration parfaite de ce qui s’annonce en termes d’impact du dérèglement climatique, de ce dont nous sommes responsables. Il va falloir changer clairement nos pratiques, nos modes de consommation, nos façons de vivre pour réduire cet impact. La situation doit aussi nous alerter sur ce qui peut se passer dans d’autres régions du monde.
Daphnée Autissier