Assassinat de Kévin Gentil à Guéret : deux hommes devant la cour d'assises de la Creuse
Kevin Gentil, 24 ans, a été abattu, à bout portant, place Bonnyaud le 15 juillet 2016. La thèse de l'assassinat a été retenue. Depuis ce lundi, deux hommes comparaissent devant la cour d'assises de la Creuse. Leur procès doit durer jusqu’à vendredi.
Après quatre années de détention provisoire, Adhémar Vialle, 23 ans, et Jessy Fatowiez, 22 ans se retrouvent depuis ce matin, dans le box des accusés. Le premier est renvoyé devant la justice pour l’assassinat de Kevin Gentil, 24 ans au soir de son décès et le second, pour complicité d’assassinat.
Durant cette première journée, la cour est revenue sur l’enchaînement des événements qui ont conduit à l’exécution à bout portant du jeune homme, place Bonnyaud, à Guéret, cette nuit du 14 au 15 juillet 2016. Car la détonation qui a retenti vers 1 heure du matin est l’épilogue dramatique d’un prologue de plusieurs heures, voire plusieurs semaines où s’entremêlent alcool, stupéfiants, menaces de mort, ressentiment et histoires de cœur – la victime aurait eu une idylle qui a mal tourné avec la belle-sœur de Jessie Fatowiez – sans que se détache un mobile vraiment clair.
Ce que l’enquête a démontré, c’est que trois semaines auparavant, des provocations avaient déjà eu lieu entre les trois hommes, des doigts d’honneur et des insultes avaient fleuri, une tension s’était clairement installée. L’avant-dernière altercation entre Adhémar Vialle et Kevin Gentil s’était terminée sur un « Toi, je t’écraserai », lancé par le premier au second, au volant de sa voiture, dans un parking souterrain de Guéret.
Une chasse à l'homme dans le centre-ville de GuéretDes menaces qu’il aurait fini par mettre à exécution au soir du 14 juillet 2016. Depuis le début de soirée, la BMW gris clair, qui appartient à Adhémar Vialle et qu’il conduit, sans permis, tourne dans le centre-ville de Guéret à la recherche de Kevin Gentil.
D’abord aux abords du pub, place Rochefort, où ce dernier passe la soirée avec des amis qu’il a visiblement en commun avec son assassin présumé. « Dans un état d’énervement extrême », Adhémar Vialle les avait en effet appelés plusieurs fois pour savoir où se trouvait Kévin Gentil. Harcelés, ils avaient fini par lui répondre.
« Je vais le fumer », aurait alors menacé Adhémar Vialle, tirant en l’air, alors que Kévin Gentil, presque insouciant, refusait de sortir du restaurant après qu’ils se sont rapidement parlé au téléphone. « Je vais tuer un mec, c’est presque fait » : ce message envoyé du portable d’Adhémar à l’un de ses amis ne laisse que peu de place au doute quant aux intentions du jeune homme.
Selon les éléments retracés pendant l'enquête, la chasse à l’homme s’est prolongée jusqu’à la place Bonnyaud où se sont ensuite rendus Kévin Gentil et son groupe d’amis. La BMW en fait plusieurs fois le tour, jusqu’à s’arrêter à sa hauteur. Adhémar Vialle, sorti par le toit ouvrant de la voiture, que conduit à ce moment-là Jessy Fatowiez, braque son fusil en sa direction.
Kevin Gentil lui lance alors un « Tu veux en arriver là, ben vas-y, tire. Le conducteur l’y aurait alors encouragé. Atteint d’une balle en pleine tête, la victime s’écroule.
Dans sa déposition, Adhémar Vialle dit avoir tiré vers la victime sans la viser, ne se souvenant pas que l’arme était chargée. Jessy Fatowiez lui, dit qu’il n’avait embarqué cette arme dans la voiture que pour « faire peur » à la victime.
Un engrenage de drogue et de violences depuis l'adolescenceLa cour a cherché ce qui avait pu conduire ces deux jeunes hommes, à peine majeurs à l’époque des faits, à commettre l’irréparable. L’enfance et l’adolescence des deux accusés ont été passées en revue.
Jessy Fatowiez, cadet d’une fratrie de trois frères, a eu une enfance chaotique entre un père souvent absent pour le travail et une mère issue de la communauté des gens du voyage, en proie à des problèmes psychiatriques. Aucun cadre, aucune limite ni autorité ne règnent dans le foyer. Une mesure d’aide éducative vient soutenir les trois frères qui passent leur temps entre console de jeux et oisiveté, entre cousins. Le casier de Jessy Fatowiez se noircit à mesure qu’il grandit, qu’il fume des joints et boit : vol, conduite sans permis, menaces de mort, outrage et violences sur détenteur de l’autorité publique… Le jeune homme répète qu’il était « immature », qu’il a pris « du recul » avec le choc de la prison.
Quant à Adhémar Vialle, adopté au Mali à l'âge de deux mois par une mère qui cède tout ou presque à son petit garçon, il grandit entouré de femmes (sa mère, grand-mère, tante et cousine), en Creuse.
« Gentil », mais « très influençable », « immature », il commence à changer de comportement vers 16 ans, entre en conflit avec sa mère et se met à fumer des joints, à sortir et à découcher.
Les condamnations s’enchaînent aussi pour usage de stupéfiants et violences. Sa mère, désemparée, demande même qu’il soit placé temporairement. Après le décès en 2015 de sa grand-mère, qui a beaucoup veillé sur lui, il serait devenu « agressif », et depuis qu’il fréquentait Jessy Fatowiez, « il s’emportait », adoptant « un comportement de gangster ».
Jusqu’à ce tournant dramatique de juillet 2016. Les témoignages de proches des accusés et de la victime doivent venir éclairer la cour sur les personnalités, toute la journée de mardi.
Julie Ho Hoa