Steven Wilson : « Le monde n’est plus gouverné par les politiciens, mais par les acteurs du commerce en ligne »
Le grand public l’a découvert en 2017 avec To the bone. Une reconnaissance tardive pour un artiste resté culte pendant plus de vingt-cinq ans. Steven Wilson réveille 2021 avec son nouvel album, The Future bites.
C’est ce qu’on appelle une révélation tardive. En 2017, Steven Wilson a 50 ans et touche le grand public pour la première fois avec To the bone. Un disque populaire et ambitieux, qui le classe dans la lignée des Peter Gabriel ou Kate Bush.
Aujourd’hui, le Britannique récidive avec le brillant The Future bites, sorte de dystopie inspirée par le consumérisme d’une société menée par les algorithmes des Gafa. Il en parle avec distance et un humour pince-sans-rire très british.
Vous enchaînez les interviews sur des applications comme Zoom, c’est une époque étrange…
Avant la pandémie, je n’en avais jamais entendu parler. Aujourd’hui, je n’imagine pas vivre sans. C’est comme ça. Maintenant, on vit par écrans interposés. J’aurais dû inventer ce genre de logiciels, ça aurait fait de moi un millionnaire !
Ce nouvel album, The Future bites, résume plutôt bien toutes les facettes de votre musique : des rythmes électro, une bonne dose de pop, et un peu de rock.
C’est vrai. On me dit parfois que j’ai beaucoup changé, mais j’ai toujours aimé la grande pop avec de belles mélodies. Il y a un malentendu sur ma personne. On pense que je fais du rock conceptuel, mais c’est faux. J’essaye de créer un univers où je peux tout faire : du rock, de la musique électronique, du jazz… Tout me va. Mon nouvel album se veut à la fois très accessible et expérimental.
Certains de vos anciens fans sont perdus. Pendant vingt-cinq ans, vous étiez un artiste culte et maintenant, vous êtes devenu grand public.
Il y aura toujours des gens qui considèrent “succès” et “pop” sont des gros mots. Mais je ne m’en soucie guère. Je n’ai jamais vraiment compris le snobisme musical.
Si vous cherchez le succès, c’est avec vos propres outils. Votre nouveau single, Personal Shopper, dure 9 minutes. C’est peu courant…
Il y a des chanteurs qui font les choses exactement comme ils le veulent et qui ont du succès. Je pense à David Bowie ou Prince. Je ne cherche pas à les imiter, mais ils m’inspirent. Mais ce genre d’artistes devient plus difficile à trouver parce que le monde est devenu un peu plus conservateur qu’avant. C’est sans doute dû à la culture Spotify et à notre capacité d’attention qui ne fait que diminuer.
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Quel est le thème de cette chanson ?
Mon idée est que le monde n’est plus gouverné par les politiciens, mais par les acteurs du commerce en ligne, qui analysent nos vies avec des algorithmes. Ils nous encouragent à acheter des choses dont nous n’avons pas besoin. C’est fascinant. Je ne critique pas : moi aussi, je fais partie de ce monde.
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Le confinement a-t-il changé notre rapport à la musique ?
Nous sommes partis d’un monde où les gens écoutaient les albums en entier à un autre où ils ne s’intéressent qu’aux singles et à des playlists.
Une tournée se profile à l’automne. Vous y croyez ?
J’en suis à espérer qu’elle se déroule. Ce n’est pas gagné. J’ai vraiment hâte de retrouver le public. J’ai apprécié de rester un peu chez moi et de pouvoir être créatif différemment pendant cette période de confinement. Mais vivement que ça se termine !
The Future bites, 15 €. Concerts prévus au Zénith de Paris (30/09) ou au Palais des congrès de Lyon (02/10).
Rémi Bonnet