Les préoccupations des éleveurs de l'arrondissement de Mauriac (Cantal) face à la Loi Egalim 2
Le GVA (Groupe local de développement) ne s’attendait certainement pas à une telle affluence, vendredi, à la Grange au Vigean. Preuve de la préoccupation agricole du moment. Une réunion et des échanges proposés aux éleveurs du secteur sur la contractualisation devenue obligatoire dans le cadre de la Loi Égalim 2 et dont le Mauriacois Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine, décrivait les pourtours et les implications après avoir livré quelques chiffres édifiants. « Le contexte est le suivant : le revenu moyen des éleveurs allaitants en 2020 était en moyenne de 700 € par mois… On a 700.000 vaches de moins en France en quatre ans. Et le cheptel diminue encore. »
L'après Egalim 1, le constat d'un échec« En 10 ans, ce sont 31 % des éleveurs en moins selon le dernier recensement. On ne peut avoir que des inquiétudes face au nombre d’éleveurs à renouveler sachant que le revenu moyen n’incite pas vraiment les jeunes. Pourtant, les Français continuent de manger de la viande, quoi qu’on nous dise. Et avec un marché où on a une bonne consommation, on devrait avoir des effets sur le prix payé aux éleveurs mais la situation n’a jamais été aussi difficile dans les élevages bovins allaitants. »
On peut dire ce qu'on veut mais les chiffres sont têtus et parlent parfois plus que de simples mots. Et le constat est que le revenu moyen d'un éleveur allaitant est aux alentours de 8.600 euros par an.
« Égalim 1 a été un échec, on le voit quatre ans après, poursuivait l’éleveur. L’interprofession a travaillé pour porter les revendications avec les autres syndicats pour un plan de filière avec des ambitions sur la contractualisation à hauteur de 30 % alors qu’aujourd’hui, seulement 2 % de la viande bovine est contractualisée en France. Avec cette contractualisation sur trois ans, révisable tous les ans (mise en place dès janvier mais progressive selon les catégories d’animaux, ndlr) si les deux parties en sont d’accord, la loi propose de mettre en place des leviers supplémentaires pour que l’amont de la production ne soit pas la variable d’ajustement. »
Comment fixer le juste prix ?« L’idée est de mettre en place un prix qui soit la proposition de l’éleveur et suive la hausse des charges, les coûts de production qui sont recalculés tous les six mois par l’interprofession en fonction de l’évolution des charges. Un contrat fait entre l’éleveur et son premier acheteur qui permet aussi une visibilité sur un an, une anticipation. Aujourd’hui, on commercialise nos animaux quand ils sont prêts à partir. Là, on aurait une meilleure lisibilité pour l’acheteur et le vendeur sur le nombre de vaches qu’on pourra proposer sur un an. C’est une sécurité, surtout lorsqu’on voit s’intensifier la pénurie des animaux. Cette loi n’est pas un miracle mais on peut tenter autre chose que le schéma actuel de la filière, tenter le coup du contrat et voir si ça marche. »
Ce que change la loi
« Vous parlez comme un livre, mais qu’est-ce qui me garantit que l’acheteur va prendre mes vaches si j’augmente le prix ? », lançait un membre du public. « Nous, éleveurs, on a peur de demander le prix qui correspond à notre coût de production, répondait Bruno Dufayet. Mais il ira acheter où avec la pénurie ? Dans le rapport de force, il faut bien avoir à l’esprit que l’affluence d’animaux, c’est fini ! Et là, en signant, on s’engage sur un nombre de bêtes, une livraison, on lui donne une sécurité et une lisibilité sur un an… Je ne vous vends pas du miracle, mais je crois qu’on peut tenter le coup, au moins essayer autre chose. »
Bruno Dufayet a décortiqué les grandes lignes de la loi aux agriculteurs du secteur.
Petit vendeur et gros acheteurs« Mais c’est encore l’engraisseur italien qui aura le dernier mot sur le prix du broutard », entendait-on. « C’est aux commerciaux de faire leur boulot ; si la mécanique fonctionnait, on aura actuellement un broutard à 3,5 € (chiffre indicatif) mais on ne le vend pas à ce prix-là ! », rétorquait Bruno Dufayet. « Si tout le monde est solidaire et demande le bon prix, on aura du poids, on pourra peser, remarquait une agricultrice. Après tout, les céréaliers fonctionnent bien avec des contrats. »
« Les marchands sont solidaires entre eux, pas les éleveurs alors il faut qu’on se mette tous d’accord », concluait un autre participant. La négociation pourrait bien passer dans l’autre camp. Celui des éleveurs.
Magali Roche