Plus libre de parler de sexe dans les livres qu'ailleurs ? Réponse avec Emma Becker et Erwan L'Eléouet à Brive
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Erwan L’Éléouet et Emma Becker ont deux points communs. Ils sont tous les deux présents à la Foire du livre de Brive, en Corrèze et ils parlent de sexe et de prostitution dans leurs livres. Parfois crûment.
Jamais Erwan L’Éléouet (au stand L9 de la halle Brassens) n’aurait recueilli autant de confidences de la part des anciennes « filles » de Madame Claude, s’il était arrivé caméra au poing. Jamais Emma Becker n’aurait aussi bien écrit sur le métier de prostituée si elle n’avait pas elle-même vécu l’expérience dans une maison close berlinoise. Ce qui relie les deux : des livres qui parlent de sexe, l’un raconte la construction d’un empire où « le vice est joli », l’autre où « la féminité devient un théâtre ».
« Il y a une sorte de censure, dès qu'il y a de l'image »Parle-t-on plus librement de sexe dans les livres qu’ailleurs ? « Par rapport à d’autres formes d’art, il y a de la liberté », assure Emma Becker (au stand L2 de la halle Brassens) qui se défend d’écrire des romans érotiques. « Il y a une sorte de censure dès qu’il y a de l’image, sauf peut-être dans la bande dessinée. »
Dans l’enquête qu’a menée Erwan L’Éléouet, Madame Claude, Le parfum du secret (Fayard), le plus difficile a été de recueillir les témoignages. « Chez les femmes qui ont travaillé avec Madame Claude il n’y avait pas de tabou, assure l’auteur. Aucune des trois que j’ai pu rencontrer n’a exprimé de regrets, de traumatisme. Bien sûr, elles ont pu vivre de mauvaises expériences. Mais aujourd’hui, ce sont des grands-mères qui ont le sentiment d’avoir vécu des choses extraordinaires et qui les racontent avec de la nostalgie. »
« Talon, maquillage, lingerie... »Quand Emma Becker évoque « les talons, le maquillage, la lingerie qui n’est pas du tout [son] truc mais j’étais payée pour ça. C’était presque un jeu ». Pas de tabou chez elle non plus. « J’écris des scènes de sexe parce que ça me fait rire, ça me fait réfléchir, ça m’émeut aussi. Je n’écris pas pour faire bander mes lecteurs même si j’aime bien l’idée. »
Dans L’Inconduite (Albin Michel), elle écrit des scènes de sexe « qui ressemblent à [sa] vie sexuelle ». Elle décrit aussi dans La Maison (Flammarion) la violence de l’endroit où elle travaillait. Erwan L’Éléouet raconte également l’arrière-boutique du juteux commerce de Madame Claude, dont le siège, son lupanar, était situé dans le XVIe arrondissement de Paris. Erwan L’Éléouet a découvert que la Résidence de la Muette appartenait à… une association diocésaine. « Elle était en cheville avec un chirurgien esthétique. Elle avançait l’argent des opérations. Les filles étaient redevables. C’était une femme qui exploitait les femmes. »
« Une certaine gêne » malgré toutLe journaliste pensait que les tabous étaient tombés sur cette proxénète célèbre qui est morte dans l’anonymat, mais il a trouvé « une certaine gêne » notamment de la part de la préfecture de police de Paris qui lui assure qu’il n’y a plus d’archives à son sujet. « Elle a su prendre le pouvoir auprès d’hommes puissants : des chefs d’entreprise, des policiers haut placés, des politiques… Elle n’aurait jamais pu monter son empire sans être protégée. » Le livre d’Erwan L’Éléouet ferait une bonne série. Mais pourrait-on en dire autant sur le petit écran…
Emilie Auffret