Portugal: les socialistes proches d'une alliance avec la gauche antilibérale pour gouverner
Les socialistes portugais, décidés à tourner la page de l'austérité, ont assuré mardi être sur le point de former une alliance avec la gauche antilibérale pour faire obstacle à un gouvernement minoritaire de la coalition sortante de droite, pourtant arrivée en tête des élections législatives.
Deux semaines après le scrutin du 4 octobre, le chef du gouvernement sortant, Pedro Passos Coelho, et le chef du Parti socialiste (PS), Antonio Costa, revendiquent tous deux le poste de Premier ministre.
La balle est désormais dans le camp du président de la République, le conservateur Anibal Cavaco Silva, qui doit désigner le chef du prochain gouvernement à l'issue des dernières consultations mercredi avec l'ensemble des partis représentés au Parlement.
"Après les contacts que nous avons eus avec le Parti communiste et le Bloc de gauche, nous pouvons dire que nous sommes en mesure de former un gouvernement disposant d'un soutien majoritaire au Parlement", a assuré mardi M. Costa à l'issue d'un entretien avec M. Cavaco Silva.
"Les négociations, qui sont complexes, doivent être conclues dans les prochains jours, mais elles ont déjà permis de créer les conditions pour la formation d'un gouvernement stable", a déclaré Catarina Martins, porte-parole du Bloc de gauche, formation apparentée à Syriza, parti au pouvoir en Grèce.
- Echec des négociations droite-gauche -
Après avoir perdu la majorité absolue dont il disposait depuis 2011, M. Passos Coelho avait été chargé par le chef de l'Etat de chercher le soutien de l'opposition socialiste afin de former un gouvernement "stable et durable".
Ces négociations ont tourné court car, d'après le PS, la coalition sortante refuse de rompre avec sa politique de rigueur budgétaire.
En parallèle avec les discussions menées avec la droite, les socialistes avaient entamé un dialogue avec le Parti communiste et le Bloc de gauche en vue de la formation d'un "gouvernement alternatif".
Avec 32,3% des voix et 86 députés sur les 230 que compte le Parlement, les socialistes ont besoin du soutien du Bloc de gauche (19 sièges) mais aussi de la coalition communistes-Verts (17 élus), dont les dirigeants seront reçus par le président mercredi.
Aussitôt après les élections, les partis de la gauche radicale s'étaient dit prêts à soutenir la formation d'un gouvernement dirigé par les socialistes, même sans en faire partie.
Une telle alliance serait inédite depuis l'avènement de la démocratie au Portugal, en 1974, et semblait invraisemblable il y encore quelques semaines en raison des divergences historiques entre socialistes et l'extrême gauche.
- Respect des engagements internationaux -
M. Costa a assuré à plusieurs reprises qu'un éventuel gouvernement dirigé par les socialistes respecterait les engagements internationaux du Portugal, les deux partis de la gauche radicale étant prêts à mettre entre parenthèses leur rejet du traité budgétaire européen et leur exigence de renégocier une dette publique qui frôle les 130% du PIB.
Reçu lui aussi par le chef de l'Etat, M. Passos Coelho a dit s'attendre à être reconduit à son poste, faisant valoir que la coalition formée par le Parti social-démocrate (PSD, centre droit) et son partenaire conservateur (CDS) avait remporté une victoire électorale "claire" (38,6% des voix et 107 députés).
"C'est à ces deux formations qu'il revient naturellement de former le gouvernement", a-t-il affirmé, se disant convaincu de pouvoir, malgré tout, obtenir au Parlement le soutien nécessaire pour offrir au Portugal "une période de stabilité et de confiance".
Paulo Portas, président du CDS et vice-Premier ministre du gouvernement sortant, a accusé M. Costa d'"ignorer la volonté du peuple" afin d'"assurer sa survie politique" au lendemain de sa défaite électorale.
Selon la plupart des analystes, le président Cavaco Silva s'apprêterait tout de même à nommer M. Passos Coelho au poste de Premier ministre, ce qui obligerait la gauche à s'unir pour rejeter le programme d'un gouvernement minoritaire de droite et provoquer ainsi sa chute.