L'Iran annonce fermer un institut français, après des caricatures d'Ali Khamenei dans Charlie Hebdo
L’Institut français de recherche en Iran (IFRI) est sur la sellette, après la publication par Charlie Hebdo de plusieurs dizaines de caricatures d’Ali Khamenei, guide suprême de la République islamique d’Iran. Ce 5 janvier, le ministère iranien des Affaires étrangères a annoncé dans un communiqué mettre «fin aux activités de l’Institut français de recherche en Iran, comme une première étape».
Dans une déclaration écrite de sa porte-parole, Anne-Claire Legendre, le Quai d’Orsay dit n’avoir reçu «aucune information officielle» sur ces annonces qui «seraient regrettables si elles se confirmaient». Le ministère français a précisé que l’IFRI est «un haut lieu de culture et d’échanges, né de la fusion en 1983 de la Délégation archéologique française en Iran créée en 1897 et de l’Institut français d’iranologie de Téhéran fondé en 1947 par Henry Corbin.»
Face à l’«islamophobie», Téhéran fustige l’«inaction» des autorités françaises
La veille, les autorités iraniennes avaient averti Paris qu'elles prendraient des mesures après la publication le même jour par Charlie Hebdo de ces dessins mettant en scène la plus haute personnalité religieuse et politique de la République islamique d'Iran.
Dans son communiqué du 5 janvier, le ministère iranien accuse les autorités françaises «d'inaction continue face aux manifestations d’islamophobie et à l’incitation à la haine raciste dans les publications françaises». Il demande au gouvernement français de réclamer des comptes aux «auteurs et commanditaires» de la «propagation d’une telle haine». Le ministère souligne ainsi que le «peuple iranien» suivrait «avec sérieux» la réponse qu'apporterait la France et appelle également Paris à mener «une lutte sérieuse contre l'islamophobie».
Les caricatures publiées dans l'hebdomadaire satirique ont été retenues dans le cadre d'un concours lancé en décembre, au moment où des manifestations se poursuivaient en Iran pour protester contre la mort en détention le 16 septembre de Mahsa Amini, une jeune iranienne arrêtée pour avoir enfreint le code vestimentaire strict du pays.
Quand les caricaturistes «flanquent une raclée aux mollahs»
Les responsables iraniens, qui ont dénoncé ces manifestations comme des «émeutes», affirment que des centaines de personnes ont été tuées, y compris des membres des forces de sécurité, et des milliers d'autres arrêtées. Charlie Hebdo a soutenu en décembre que ce «concours international» visait à soutenir les «Iraniens qui se battent pour leur liberté».
«Les dessinateurs flanquent une raclée aux mollahs» affiche sur sa Une du 4 janvier l’hebdomadaire satirique. Ce numéro spécial – commémorant l’attentat du 7 janvier 2015 contre sa rédaction – contient plusieurs dessins d'ordre sexuel montrant l'ayatollah Khamenei et d'autres religieux iraniens, de même que des caricatures dénonçant le recours en Iran à la peine capitale contre des manifestants.
Deux Iraniens ont été exécutés pour leur implication dans les manifestations. Et ce 5 janvier, la justice iranienne a prononcé une nouvelle condamnation à mort en première instance contre un homme ayant participé aux manifestations.
Avant l'annonce de la fermeture de l'IFRI, la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna avait souligné qu'en France «la liberté de la presse existe contrairement à ce qu'il se passe en Iran», rappelant que le délit de blasphème n'existe pas en droit français.
L’ambassadeur de France en Iran convoqué
«La mauvaise politique est celle qui est suivie par l'Iran qui pratique des violences à l'encontre de sa propre population», avait également déclaré Catherine Colonna le 4 janvier, interrogée sur la chaîne de télévision française LCI. Le même jour, son homologue iranien Hossein Amir-Abdollahian avait dénoncé «un acte insultant et indécent» qui ne «restera pas sans réponse ferme», à propos des caricatures de Charlie Hebdo. Et l'ambassadeur de France en Iran Nicolas Roche avait été convoqué le même jour par les Affaires étrangères à Téhéran.
«L'Iran n'accepte en aucune façon l'insulte de ses valeurs [...] islamiques, religieuses et nationales [...] et la France n'a pas le droit d'insulter ce qui est sacré [...] pour les pays musulmans sous le prétexte de la liberté d'expression», avait alors précisé le porte-parole du ministère Nasser Kanani. L'Iran «considère le gouvernement français responsable pour cet acte haineux, insultant et injustifié», avait-il ajouté.
Le siège de l'IFRI, dans le centre de Téhéran, avait déjà été fermé durant de longues années. Il avait rouvert sous la présidence de Hassan Rohani (2013-2021) comme un signe du réchauffement des relations franco-iraniennes. Il comprend une riche bibliothèque, fréquentée par les étudiants de langue française et des universitaires iraniens. Il est distinct d'un autre IFRI, l'Institut français des relations internationales, un des principaux centres de recherche français sur les relations internationales, basé à Paris.