Un livre pour ne pas oublier l’histoire des Réunionnais de la Creuse
"L’enfant du volcan", sorti le 2 février aux éditions Albin Michel, est un roman émouvant. Il raconte l’histoire d’un village creusois dans lequel un château est transformé en orphelinat pour accueillir des enfants venus de la Réunion. L’auteure, Ghyslène Marin, a elle-même été déracinée de son île natale en 1968, à l’âge de 3 ans.
Le livre a été écrit à quatre mains. Ghyslène Marin, 57 ans, professeure de lettres à Paris, et son fils Léo, 23 ans, étudiant au cours Florent, signent un roman où la fiction se mêle à l’histoire. Mila, une petite Réunionnaise arrachée à son île et à sa famille, est hébergée dans un orphelinat à Saint-Avre, un village de Creuse vidé de ses habitants par l’exode rural. Elle se lie d’amitié avec un couple d’épiciers.
L’auteure explique sa démarche.
Ce livre est un roman mais il est inspiré de votre histoire personnelle??
C’est une fiction, qui est allée emprunter à des émotions vécues. C’était notre choix de nous effacer derrière des personnages, pour permettre à une voix davantage plurielle et collective de se faire entendre. Si nous n'avions raconté qu’une histoire familiale, en particulier la mienne, ça aurait rétréci le propos. Notre volonté était de montrer quelque chose de plus diversifié dans les parcours.
Vous êtes une Réunionnaise de la Creuse??
C’était dans le Gers, pas en Creuse. Comme Mila, j’avais 3 ans, en 1968, quand j’ai été transférée dans l’Hexagone avec ma fratrie, nous étions sept enfants. Nous avons été dans un orphelinat, un aérium. Nous étions des Pupilles d’État, pas des enfants volés. À la Réunion, nous étions dispersés, en pouponnières, dans un orphelinat, un foyer. Dans l’Hexagone, nous nous sommes retrouvés réunis dans le même lieu. À partir de 7 ans, je suis allée dans une famille, dans le Lot-et-Garonne. Je préfère l’expression « ex-mineurs réunionnais ». Au moment où nous avons découvert notre statut, notre histoire, nous rentrions dans la cinquantaine, nous étions des seniors.
Cette histoire de milliers d’enfants réunionnais déplacés vers des communes rurales de métropole est connue en Creuse. Mais peut-être pas ailleurs??
Elle est méconnue. Le public qui la connaît reste confidentiel. Avec mon fils Léo, nous avons eu cette envie de lui donner une plus large diffusion. C’est une page très sombre dans l’histoire de l’État, c’est nécessaire qu’on la partage, pour que ça ne se reproduise plus, le fait de déplacer des enfants sur un échiquier politique. À chaque fois qu’on en parle, les gens sont stupéfaits. On se dit “comment est-ce possible que ça ait existé”.
L’héroïne, Mila, crée des liens très forts avec un couple d’épiciers du village.
Il y a une diversité des parcours chez les ex-mineurs réunionnais. On aurait tendance à avoir toujours cette même image du garçon de ferme, qui existe hélas. Mais il y a aussi des parcours plus lumineux, plus constructifs. Nous voulions montrer que ce départ forcé qui est inacceptable, politiquement parlant, a été un nouveau départ pour certains.
Ça a été votre cas?? Vous avez été bien traitée??
Oui. Même si ça n’empêchera jamais toutes les tristesses. Ça reste une rupture. J’ai rencontré la littérature très tôt, elle est devenue ma famille. Je me suis construite à travers la littérature. Je voulais, avec Léo, montrer la possibilité de résilience. On n’est pas tous écrasés par notre histoire.
C’est votre premier roman. Un deuxième?est prévu??
C’est notre premier roman édité. L’écriture existait avant. Nous sommes tous les deux passionnés de littérature. Tout est parti d’un voyage que Léo a fait à la Réunion avec son frère à 18 ans. Il a découvert un autre pan de sa famille maternelle : une famille insulaire, festive, qui se réunit tous les dimanches. Il a compris ce que ça voulait dire d’être ex-mineur réunionnais, d’avoir vécu loin de ses racines. L’idée lui est venue d’écrire un roman pour partager cette histoire. Nous écrivons un deuxième roman, toujours à quatre mains, en lien avec la question des racines.
Pratique. L’enfant du volcan, en libraires depuis le 2 février, éditions Albin Michel (20,90 euros).
Propos recueillis par Catherine Perrot
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