Les violences conjugales d'un couple, vues à travers les yeux de son enfant au tribunal de Brive

Cette nuit du 21 décembre 2022, c’est un garçon de 9 ans qui a sonné la fin de l’altercation entre ses deux parents, en appelant la police de Brive. Trois mois plus tard, ce mardi 28 mars, le père et la mère en question, qui devaient répondre de violences conjugales commises devant leurs deux enfants, étaient convoqués devant le tribunal correctionnel pour connaître leur punition. Dans ce dossier, les deux mis en cause, violents l’un avec l’autre, n’avaient pas conscience de l’être également avec ceux qui regardaient et qui écoutaient. Pourtant, ce que les yeux et les oreilles du grand frère ont vu et entendu a été déterminant pour établir la vérité.

Ce soir-là, une dispute avait éclaté au domicile conjugal entre les prévenus, sur fonds d’accusations mutuelles de tromperies, une première scène à l’abri des regards des enfants présents dans la maison, mais loin d’être discrète. « Ma mère criait de colère, puis elle criait parce qu’elle était triste », expliquera le fils de 9 ans aux policiers.

À la barre du tribunal, les deux mis en cause ont reconnu avoir commis des violences dans la chambre à coucher, à l’étage. Elle, avoue avoir saisi son compagnon au cou, lui, avoir donné deux gifles. « C’est à ce moment que j’ai appelé mon fils pour qu’il appelle la police », explique la mère, qui s’est vu prescrire une ITT de 7 jours.

Dans l’intervalle de temps qui séparait l’appel au secours de l’arrivée de la police, la dispute s’était poursuivie au rez-de-chaussée. « Il y avait des objets qui volaient, a témoigné l’enfant. Ils se tapaient. Papa a tapé maman dans la poitrine. Les autres fois, maman se laissait faire à cause de sa maladie au cœur. » Un témoignage direct, contesté par le père mis en cause, qui laisse également entendre que les violences de ce soir de décembre n’étaient pas une première à la maison.

« A 9 ans, il a conscience que sa maman se laisse faire à cause de sa maladie cardiaque. On a tous compris que son frère et lui ont vu bien plus que les faits de ce 21 décembre. Dommage que les violences habituelles n’aient pas été retenues », regrette Noël Coulaud, pour les intérêts de la mère.

Témoins, arbitres, les enfants de ce couple pouvaient être aussi l’objet disputé des parents. Interrogé par les policiers sur sa rancœur possible à l’égard de son père, le grand frère a répondu qu’il lui en voulait « un peu ». Mais pas seulement pour les faits de décembre. « Ma mère m’a dit que mon père avait voulu qu’on me tue dans son ventre. » « Ces propos sont tout aussi effroyables que les violences que se sont infligées les parents », souligne Me Jacques Vignal, avocat du père.

L’attitude des deux prévenus se rejetant la faute à l’audience n’a pas manqué de faire réagir Dominique Eyssartier, avocate des deux enfants. « On voit deux adultes qui se chicanent, se battent, se mordent, se giflent, mais qui se foutent des gamins. Le grand frère est impliqué dans une situation qui génère chez lui de la peur pour sa mère à cause de son problème de santé, pour sa petite sœur et pour lui. »

Le tribunal a suivi à la lettre les réquisitions du parquet. La mère a été condamnée à deux mois avec sursis et le père à trois mois avec sursis. En plus de suivre un stage de sensibilisation, ils devront indemniser conjointement les deux enfants à hauteur de 2.000 euros au titre de leur préjudice moral. « Les réquisitions du parquet étaient justes, car on ne peut pas savoir avec certitude qui de vous deux est à l’origine des violences, a justifié le juge. Ce qui est sûr, c'est que ce sont les enfants qui les subissent. »

Pierre Vignaud