Pourquoi la fin du ticket de caisse programmée le 1er août ne fait pas l'unanimité
Dans le cadre de la loi AGEC, « Antigaspillage pour une économie circulaire », l’État a décidé de ne plus rendre obligatoire l’émission papier du ticket de caisse. Une décision qui irrite les associations de consommateurs, et dont l’effet écologique reste à confirmer.
Initialement, la mesure aurait dû entrer en vigueur le 1er janvier dernier. Reportée une première fois de trois mois, c’est finalement à compter de ce mardi 1er août que l’impression automatique des tickets de caisse et de carte bancaire prendra fin. Ces derniers seront désormais envoyés par SMS ou par mail, sachant que les clients qui le souhaitent pourront toujours demander une impression au format papier.
Les tickets permettent de savoir où on en estUn événement qui pourrait paraître anecdotique, mais au final pas tant que cela. « Nous les anciens, ça nous guide et cela nous permet de comparer. Car comme on paie de plus en plus en carte bleue, on se rend moins compte », soulignent Marie et Marcel, septuagénaires croisés à la sortie d’un hypermarché de Clermont-Ferrand. À quelques pas de là, Sonia, 55 ans avoue regarder son ticket tout le temps et entend bien continuer à la demander. « Ma mère m’a toujours dit : “tu ne sors jamais d’un magasin sans avoir regardé ta note”, donc c’est ce que je fais, insiste-t-elle. Et avec le scan des prix, je trouve qu’il y a de nombreuses erreurs ».
Les tickets permettent de limiter les erreursCette banquière estime à une centaine d’euros le montant du préjudice qu’elle pourrait subir si elle ne vérifiait pas à chaque fois sa note. Un état de fait confirmé au printemps dernier par Matthieu Robin, alors responsable adjoint des études à l'UFC - Que Choisir.
« Ces tickets permettent au consommateur de vérifier si le montant qui lui a été facturé est le bon, dans la mesure où il y a assez fréquemment des erreurs en caisse, sans doute autour de 10 % »
Ce dernier pointait également le cas précis des paiements sans contact, de plus en plus développés.L’association de consommateurs a demandé, en vain, à ce que soit inscrite dans le décret l’obligation de proposer oralement le ticket de caisse aux clients, et pas uniquement par un affichage écrit à la caisse, où nombre d’informations sont déjà dispensées. Un dispositif largement insuffisant, déplore Matthieu Robin, qui craint une hausse des arnaques.
Des craintes sur les opérations sans contact« Il y a des risques d’escroquerie importants pour les opérations sans contact, mais aussi un risque d’augmentations de litiges, car si vous ne pouvez pas prouver votre achat, aurez-vous l’opportunité d’obtenir le remboursement d’un produit périmé par exemple ? », s’interroge-t-il.Dans la majorité des cas, le ticket de caisse sera cependant envoyé sur votre téléphone ou votre ordinateur en format numérique. Car l’objectif de cette mesure, issue de la loi AGEC « Antigaspillage pour une économie circulaire », est, selon les textes officiels, « motivé par la lutte contre les substances dangereuses présentes dans les tickets de caisse et remédier au gaspillage important que représentent ces tickets ».
Un gain écologique plus qu’incertainUn intérêt écologique qui interroge puisque, si quelque 30 milliards de tickets étaient jusqu’alors imprimés chaque année, leur transformation en format numérique pose un certain nombre de questions.
« Quand on transforme le ticket de caisse du format papier au format numérique, on ne dématérialise rien du tout, avertit Frédéric Bordage, On va économiser un peu de gaz à effet de serre lié à la fabrication du papier, mais on va augmenter d’autres impacts ».
Et le fondateur de l’association Green It, qui travaille sur la quantification des impacts environnementaux du numérique, d’évoquer par exemple la part associée à la fabrication des équipements qui permettront de lire les tickets (ordinateur, téléphone…), le stockage de ces derniers, ou l’électricité utilisée pour les lire.Pour l’expert en sobriété numérique, la « vraie » solution, « ce serait de vraiment dématérialiser le ticket de caisse, c’est-à-dire qu’il n’existe plus ». Pour les petites sommes, il ne serait plus généré, et pour les plus gros achats, afin de pouvoir bénéficier de la garantie par exemple, Frédéric Bordage préconise la création d’un compte client chez le commerçant, permettant la génération d’un ticket à la demande.
L'Insee confirme le ralentissement de l'inflation à 4,5% sur un an en juin
Une généralisation des comptes clients redoutéeUne éventualité qui fait craindre à Matthieu Robin « une prospection commerciale démultipliée, nuisible pour les consommateurs », et qui ne serait pas privilégiée par ces derniers. Dans un sondage Opinion Way commandé pour Périfem, dévoilé en mars dernier, les personnes interrogées ont indiqué qu’elles continueraient largement à demander l’impression d’un ticket papier dans de nombreuses situation d’achat : électroménager (92%), achat d’un cadeau (87%), article de maison (86%) ou de mode (83%) et bien entendu dans l’alimentaire (76%). Le ticket de caisse n’a sans doute pas encore dit son dernier mot.
Maxime Escot