Oudéa-Castéra, Attal... Macron face au risque de la déconnexion
Quand son nom fut cité pour le ministère de l’Education nationale, lors de remaniements précédents, Julien Denormandie avait pointé un argument pour expliquer que sa nomination serait compliquée : la progéniture de ce père de quatre enfants fréquentait davantage l’école privée que l’école publique. Le sens de l’anticipation n’est pas ce qui a caractérisé Amélie Oudéa-Castéra dans la première polémique qu’elle a dû gérer, juste après avoir été choisie pour ce portefeuille.
Avec le gouvernement Attal 1, on annonçait, on vantait le retour des poids lourds politiques et la fin des "amateurs" de la société civile. Amélie Oudéa-Castéra a montré qu’elle avait encore beaucoup de chemin à parcourir pour rejoindre les premiers. Sur la ministre du savoir plane l’accusation d’avoir entamé sa mission par deux fake news. Si on l’attaque, dit-elle d’abord vendredi, c’est parce que son discours lors de la passation des pouvoirs, quelques heures plus tôt, était "irréprochable". D’autre part, l’accusation d’un absentéisme incontrôlé dans l'établissement parisien de Littré est fortement contestée, comme le relate Libération. C’est d’ailleurs de syndicats de parents qu’est venue la critique la plus pointue : "Elle est tellement hors sol qu’elle ne prend pas la mesure de ce qu’elle dit, elle ne connaît pas la réalité de ce pays." La réponse ministérielle à la controverse frappe effectivement par sa déconnexion.
"Séparatisme social", souligne le député socialiste Jérôme Guedj, "gouvernement de classe", surenchérit le communiste Fabien Roussel : le coup peut porter car il ne concerne pas que la nouvelle ministre de l’Education. Gabriel Attal, par son parcours comme par sa terre d’élection (les Hauts-de-Seine), n’apparaît ainsi pas spontanément comme le mieux placé pour s'adresser à la France des gilets jaunes – ou à la France d’en bas qu'évoquait en son temps Jean-Pierre Raffarin.
"Parole performative"
Lui a su jusqu’à présent compenser cette faille par un savoir-faire politique, que la nomination à Matignon va désormais mettre à l’épreuve. Avec un risque : qu’un surcroît de communication n’accroisse plus qu’il ne jugule le risque de déconnexion. Lors de son passage express à l’Education, Gabriel Attal s’était fixé une règle : parler moins pour parler mieux, en quelque sorte. Il prônait la "parole performative".
A Dijon samedi, le Premier ministre a donné l’impression de faire l’exact inverse de ce qu’il préconisait : la promesse de 32 milliards supplémentaires pour le système de santé a surtout des allures de faux effet d’annonce, dans la mesure où il s’agit d’une trajectoire déjà prévue et déjà adoptée. Gérald Darmanin s’exprime rarement par hasard. Dans Le Figaro ce lundi, le ministre de l’Intérieur glisse : "Plus les gens s’éloignent de la politique, plus vous devez démontrer par l’exemple que les choses changent. La parole ne suffit pas."
Emmanuel Macron, qui se produira mardi dans un grand show sous forme de conférence de presse en prime time, est guetté par cette autre forme de déconnexion : la déconnexion verbale. Le 31 décembre par exemple, il affirme : "Nous continuerons de rétablir l’autorité partout où elle manque face aux incivilités et à la délinquance" - ce qui ne correspond pas exactement à la manière dont le ressent la population. "Je trouve que ça parle trop. Qu’il y a trop de mises en scène." C’est l’un des grognards de la Macronie qui le confiait il y a quelques semaines. L’un de ceux qu’aujourd’hui, on n’écoute plus.