"Ma priorité est de chercher où dormir" : désespoir et colère après la fermeture du gymnase pour sans-abri à Clermont
Ouvert le 7 janvier alors que les températures étaient négatives, le gymnase des Landais a fermé ses portes, lundi 22 janvier, à Clermont-Ferrand. Une faute, selon des citoyens réunis, le soir-même, qui réclament le maintien de cet hébergement jusqu'à la fin de l'hiver.
On a connu des redoux moins timides. Celui de lundi soir, censé justifier la fermeture du gymnase des Landais à Clermont, utilisé comme centre de mise à l’abri l’hiver, n’était pas le plus chaleureux. Lors de l’ouverture le 7 janvier, en plein froid, le préfet du Puy-de-Dôme, Joël Mathurin, défendait une forme d’agilité de ses services : il fait froid, on ouvre. Il fait meilleur, on ferme.
« Quand il fait aussi froid, on leur propose de se requinquer, exposait-il. C’est l’occasion de travailler avec eux à la sortie durable du sans-abrisme. » La première partie s’est vérifiée puisque des dizaines de personnes ont pu trouver du réconfort, la nuit, du côté de l’avenue des Landais, aux Cézeaux, entre 17 heures et 10 heures.
« Un coup de massue » pour le collectif et les sans-abriLa deuxième partie reste à démontrer. Lundi soir, à l’initiative d’un collectif de citoyens très actif depuis le début de l’hiver pour accompagner les sans-abri, un rassemblement s’est articulé devant le gymnase, fermé le matin-même. « Un coup de massue », soufflait Laurent (le prénom a été modifié), las des atermoiements depuis le 7 janvier, jusqu’à ce que les portes restent closes à partir de ce début de semaine. « On veut rendre visibles ces personnes parce que ces dernières nuits, elles avaient un toit et ce soir, elles se retrouvent sur le carreau. En plein hiver, c’est inhumain et inacceptable. »Photo Thierry Lindauer
A ses côtés devant le portail du centre d’hébergement des Landais, des familles, des hommes et des femmes dans une impasse. Et des anonymes, réunis pour les soutenir et réclamer, en vain, la réouverture du gymnase, comme l’ont répété, amers, le Secours populaire, le Secours catholique, les Restos du cœur et la Cimade, mercredi 17 janvier, anticipant la fin annoncée de ce centre.
Sous une pluie fine, on se regarde, se soutient, soupire. Un silence est interrompu par un jeune homme. « Y’en a marre », appuie-t-il. Depuis des mois, le constat est le même sans qu’une issue ne semble approcher. Des dizaines de personnes, des mères de familles, des enfants dorment dans le parc de la gare, dans des parkings de supermarché, sous des ponts, à Clermont-Ferrand.
Le bref espoir suscité par le gymnase a vite été douché. Interrogé par La Montagne, le préfet refusait de voir cette option comme un pansement et défendait les moyens déployés dans la lutte contre le sans-abrisme passé entre 2018 à 2023 de 18 M€ à 24 M€ pour l’hébergement d’urgence dans le département. « Donc ce n’est pas une question de moyens, on les met à disposition quand la situation l’exige, insistait Joël Mathurin. La question qui se pose aujourd’hui, ce n’est pas celle des places, mais de l’adaptation aux besoins. Il y a trop d’hôtels, pas assez de foyers. »
Après l'espoir, le difficile retour à la ruePhoto Thierry LindauerLa réponse pouvait difficilement convaincre Abdul et Goodness, jeunes parents de Sofia et Precious (2 et 5 ans). Ils ont passé plusieurs semaines sur le parking d’un supermarché la nuit, le jour les fillettes allaient à l’école. Hébergés par le 115 ces dernières nuits, ils sont de retour dehors. Seko, mineur isolé, avait pris l’habitude de s’abriter au gymnase. De nouveau à la rue depuis ce lundi, il a tenté de joindre le 115, saturé. « Je vais retourner au parc ou chercher un endroit discret », envisageait-il.
Melinda, 17 ans, parle pour sa mère et son frère. Cette jeune Albanaise passe de l’hôtel à la rue et vice-versa.
« C’est dur, on est fatiguée, souriait-elle. Pourtant, ma mère travaille, on fait tout pour s’intégrer. A mon âge, je devrais penser à mon avenir, mais ma priorité est surtout de chercher où dormir. »
Grâce au collectif citoyens solidaires 63, ces sans-abri pourront passer la nuit sous une tente, une couverture et sur un matelas. Quelque part à Clermont-Ferrand. Selon des associations, une centaine de personnes dorment dans la rue, dans la métropole. Contactée ce lundi, la préfecture affirme que 85 hommes et femmes ont été abrités au gymnase. Chaque jour, le 115 reçoit une cinquantaine d’appels.
Malik Kebour