TikTok : l'UE met le géant chinois sous surveillance
Autopsie d’un réseau social de plus en plus controversé sur le Vieux continent. Après X (anciennement Twitter) en décembre, la Commission européenne se penche désormais sur le cas de TikTok. Bruxelles a annoncé, ce lundi 19 février, avoir ouvert une enquête visant le géant chinois, soupçonné d’enfreindre le nouveau règlement sur les services numériques, le Digital Service Act (DSA). Le texte est entré pleinement en vigueur samedi, avec des obligations désormais imposées à l’ensemble des plateformes en ligne, sous peine d’amendes, pour mieux protéger les utilisateurs contre les contenus illégaux.
Au sommet des préoccupations du gendarme européen, l’absence de transparence sur la publicité et sur l’accès aux données pour les chercheurs, mais également et surtout, des manquements en matière de protection des mineurs. Il s’agit par exemple d’examiner "les outils de vérification de l’âge utilisés par TikTok pour empêcher l’accès des mineurs à des contenus inappropriés" ou encore d’évaluer les "risques liés à la conception addictive" et "aux contenus préjudiciables".
Un algorithme addictif
"En tant que plateforme touchant des millions d’enfants et d’adolescents, TikTok a un rôle particulier à jouer dans la protection des mineurs en ligne", qui est "l’une des grandes priorités du DSA", a déclaré le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton. Raison pour laquelle Bruxelles compte disséquer un à un les moyens mis en œuvre par le réseau social pour réduire les risques "découlant de la conception du système TikTok, y compris les systèmes algorithmiques, qui peuvent stimuler les dépendances comportementales", a précisé la Commission ce lundi.
L’an dernier, le sénateur centriste Claude Malhuret avait fait part à L’Express de sa vive inquiétude sur les capacités de TikTok à rendre nos jeunes accros. "Cette application a le plus addictif des algorithmes […] Là où un YouTube a besoin de plusieurs heures pour cerner vos goûts et vos envies, TikTok le fait en quelques dizaines de secondes, car les contenus qu’il affiche sont bien plus courts", avait-il alerté, déplorant que les Occidentaux (fassent preuve) d’une naïveté confondante".
Douyin et TikTok, des faux jumeaux
Et pour cause, citoyens chinois et occidentaux n’ont pas accès à la même version de TikTok. Et ainsi, pas aux mêmes contenus. À l’intérieur des frontières de l’Empire du Milieu, seule l’application Douyin, version chinoise de TikTok est autorisée. Or, après l’avoir analysé, l’agence spécialisée dans le marketing numérique chinois Tenba Group a noté une présence bien plus importante de contenus éducatifs sur Douyin que sur son jumeau occidental, TikTok, qui propose de son côté davantage de vidéos divertissantes, de danses, de gags, ou de chants.
"Elles sont comme deux plateformes jumelles séparées à la naissance, développées sous le même toit mais mises en œuvre dans deux contextes très différents", observait Tenba Group auprès de nos confrères de la BBC en avril dernier. En outre, le traitement et le stockage des données y sont également différents. Tandis que les données de Douyin sont stockées en Chine, celles d’utilisateurs étrangers sont supposées être conservées en dehors de la 2e économie mondiale.
Données, ingérences chinoises à l’étranger…
Toutefois, des doutes sur la question de l’utilisation des données persistent, et ont poussé l’exécutif français à adjoindre les 2,5 millions d’agents qui constituent la fonction publique d’Etat à supprimer l’application de leur téléphone portable.
Et bien qu’Instagram et X aient été soumis au même régime, "TikTok est la filiale d’une entreprise chinoise", ce qui "soulève des questions sur les données qu’elle est susceptible de devoir remettre au Parti communiste chinois s’il la sollicite", mettait en garde Claude Malhuret dans les colonnes de L’Express. Et d’insister : "Cela interroge aussi sur la tolérance que TikTok pourrait avoir vis-à-vis d’opérations d’influence (désinformation, censure…) menées par la Chine". Et les autorités régulatrices européennes ne le savent que trop bien.