Condamnés pour des incendies volontaires dans le secteur de Randan : "C'est au-delà de la stupidité !"
Des bâtiments incendiés, des objets jetés sur une voie ferrée… Durant près d’un an et demi, une fratrie et ses proches ont semé l’effroi dans plusieurs communes autour de Randan. Ils ont dû s'expliquer devant le tribunal.
"Il est très rare d’avoir une famille au complet à la barre de ce tribunal", remarque Isabelle Ferret, la présidente. C’est loin d’être le seul motif d’étonnement – qui vire très vite à la crispation – de la magistrate dans cette affaire d’incendies volontaires. Face à elle, quatre sœurs de 26 à 32 ans, en mode Dalton au féminin, ainsi qu’un de leurs amis, âgé de 26 ans, devant répondre d’une impressionnante et troublante série de dégradations. Poursuivis pour les mêmes faits, l’un de leur frère et sa compagne, âgés tous deux de 31 ans, sont absents à l’audience.
Des hangars, des maisons, de la végétation...Durant près d’un an et demi, de mars 2019 à septembre 2020, les membres de ce petit gang ont mis le feu à tout ce qu’ils pouvaient, dans le secteur de Randan. Une quinzaine de hangars, maisons inoccupées ou haies ont ainsi été ravagés par les flammes à la suite de leur action.Les jeunes vandales, originaires du secteur, sévissaient généralement la nuit, entre 22 heures et 2 heures du matin. Parfois, ils revenaient sur les lieux pour observer l’intervention des sapeurs-pompiers avec leurs enfants.
À l’automne 2020, l’inquiétante bande franchit encore un cap, à Saint-Clément-de-Régnat, en déposant des objets sur une voie ferrée, où transite notamment le train Paris-Clermont. Les conducteurs des locomotives parviennent à stopper leurs machines à temps."Avant ce dossier, je n’imaginais pas que l’on pouvait ainsi jeter des objets sur une ligne ferroviaire et qu’en plus, quand on est plusieurs, il n’y en a pas un qui se dise que c’est dangereux !", s’exclame, sidérée, la présidente.Ces sinistres à répétition avaient donné lieu à une mobilisation générale des élus et des habitants, lesquels avaient organisé des rondes.
Le traumatisme des victimesAprès plusieurs mois d’enquête étayés par de nombreuses heures de planques, des images de vidéosurveillance, ainsi que par de multiples témoignages, les gendarmes de la communauté de brigades d’Ennezat et de la brigade de recherches de Riom étaient parvenus à mettre la main sur les six incendiaires.Leurs actes, par miracle, n’ont pas fait de blessés. Mais les dégâts sont énormes. Et le traumatisme des victimes parfois très lourd.
"Voilà quatre ans que je ne dors plus, que je ne vis plus", fulmine l’un d’eux, au tribunal. La maison de son père, qui venait de succomber à un cancer, et tous les souvenirs qu’elle contenait, a été réduite en cendres après le passage des deux hommes.
"C’est comme si mon père était mort une seconde fois. Comment vous pouvez faire ça aux gens ? Donnez-moi une réponse !"
Les cinq prévenus, qui reconnaissent les faits sans difficulté, se murent dans un silence embarrassé. Tous ont un travail, une vie plutôt stable, peu ou pas d’antécédents judiciaires. Décrits comme fusionnels, très proches de leurs parents, les quatre sœurs et leur frère font état d’une enfance heureuse, un peu en vase clos dans ce coin de campagne du Puy-de-Dôme.Alors pourquoi cette succession de passages à l’acte "d’une extrême gravité", comme le souligne Françoise Chadefaux-Gallay, procureure de la République ? "Je ne sais pas, la stupidité, l’engrenage dans lequel on était pris de faire des bêtises", lâche honteusement l’une des sœurs. "C’est au-delà de la stupidité !", rectifie aussitôt la présidente.
"Nous n’avons pas d'explication sensée, ils auraient commis cela uniquement pour le fun", suppute Françoise Chadefaux-Gallay, à lecture des auditions. La magistrate demande des peines allant de deux ans à cinq ans de prison, assortis de sursis probatoire. Le tribunal réduit ces quanta de six à vingt-quatre mois, totalement ou en partie assortis d’un sursis probatoire.Les plaidoiries des avocats de la défense et de la partie civile ont essentiellement porté sur les sommes à rembourser aux victimes. Un enjeu de taille. Au final, la facture, pour les sept prévenus, après les calculs du tribunal, s’élève à près de 210.000 euros.
Olivier Choruszko