Elle aide son mari touché par Alzheimer : "On vit au jour le jour, il faut voir la vie autrement"
Pas assez reconnus et soutenus, les aidants d’un proche malade souffrent d’un quotidien fatigant et difficile. C’est le cas de Catherine Geffroy dont le mari est atteint de la maladie d’Alzheimer. Depuis plus d’un an, elle participe à des groupes de parole à Guéret (Creuse). Un soutien nécessaire dont elle apprend beaucoup.
« Très souvent je me dis que je n’y arriverai plus ou même que je n’y arrive déjà plus. Je puise dans mes réserves. » Cette peur de mal faire, de ne plus pouvoir, Catherine Geffroy la ressent au quotidien. Il y a deux ans, son mari Daniel a été diagnostiqué de la maladie d’Alzheimer. Depuis, la vie du couple a basculé. Quand l’un souffre d’une perte de mémoire progressive liée à cette maladie dégénérative, l’autre doit adapter le quotidien du foyer en fonction. Tout prévoir, tout anticiper. Apprendre à vivre différemment. « Personne n’est préparé à cela », explique Catherine Geffroy.
Le plus dur, c’est de voir changer la personne qu'on aime.
Son mari qui était gérant d’une entreprise de BTP dans la région parisienne est principalement affecté au niveau de la parole à cause de la maladie. « Entre nous, on peut échanger normalement, mais lui, il ne peut plus. Alors il se met en retrait car il est gêné. Des fois, il fait des crises d’angoisse car il s’en rend compte », raconte sa femme qui a travaillé au sein de la même entreprise.
Chaque jour, elle fait de son mieux pour essayer de gérer le tout-venant. De l’administratif à la stimulation cognitive auprès de son mari en passant par les divers rendez-vous médicaux mensuels. « Il faut toujours faire les choses avec douceur, ne jamais le brusquer, mais en même temps il faut essayer de le stimuler. C’est ça qui est difficile et donc fatigant. »
Son quotidien se résume désormais à tenter de trouver un difficile équilibre en voulant ralentir la maladie par divers exercices tout en faisant face à sa dure réalité. Des refus fréquents, l’oubli de certains gestes, des actions répétées inlassablement, l’impossible communication : tout cela, Catherine Geffroy essaye de l’accepter tant bien que mal. « Il faut énormément de patience. Mais le plus dur, vous savez, c’est de voir changer la personne qu’on aime. » En cinquante ans de vie commune, c’est la première année où il ne lui souhaite pas son anniversaire. Cette dure réalité liée à la progression de la maladie, la Creusoise l’accepte. Elle n’a pas le choix.
Des groupes de parole en CreuseDepuis le diagnostic de la maladie, elle a dû apprendre à vivre différemment. C’est grâce en outre, aux groupes de parole mis en place par l’association France Alzheimer 23 qu’elle a pu apprendre à connaître la maladie. Alors qu’elle existe depuis 2019 en Creuse, la structure a mis en place ces groupes de parole dédiés aux aidants il y a deux ans.
Arrivée à Guéret pour sa retraite au même moment avec son mari, Catherine Geffroy s’est tout de suite tournée vers cette possibilité. « On donne différents outils aux personnes qui viennent nous voir, détaille la présidente de l’association, Danielle Duron. Il y a différentes étapes de la maladie. Donc les participants peuvent échanger entre eux de leurs expériences différentes. »
La première fois qu’elle assiste à une session, Catherine Geffroy écoute beaucoup. Elle a tout à apprendre. « J’avais un vrai manque de connaissances sur la maladie, au début. J’ai beaucoup appris des autres. Avec le temps, des amitiés se sont même créées. » Depuis peu, l’association organise également des sorties pour les aidants et les malades. Catherine se souvient encore de celle qu’elle a faite avec son mari au Scénovision de Bénévent-l’Abbaye.
« Ce qui me marque avec les malades Alzheimer, c’est qu’ils ont souvent le regard vide. Ce jour-là, Daniel a vraiment été captivé par le moment. C’était incroyable. »
Une joie appréciable partagée par le couple alors que ces moments semblent s’éloigner peu à peu.
Manque de reconnaissanceEn Creuse, près de 4.000 personnes seraient touchées par la maladie d’Alzheimer. Tous les mois, l’association organise ainsi des groupes de parole à Guéret, Bénévent-l’Abbaye et Aubusson destinés aux aidants. Ceux-ci sont encadrés par une psychologue, Judith Mollard, spécialisée en gériatrie. « En tant qu’aidant, on s’oublie volontairement et involontairement », constate Catherine Geffroy. Apprendre à ne pas s’oublier et à rendre son quotidien plus vivable, c’est ce que permettent ces rendez-vous.
Pour autant, les aidants souffrent toujours d’un manque de reconnaissance général de la part de l’État. Ce que déplore Catherine Geffroy. « Mon mari et moi, ça va, nous sommes à la retraite et nous ne sommes pas à plaindre. Mais combien de personnes doivent arrêter leur travail pour aider un proche?? Je connais quelqu’un qui ne touche par exemple que le RSA après avoir quitté son travail pour aider sa maman. Et ce sont des années qui ne sont pas comptabilisées pour la retraite. Il faudrait créer un statut spécial pour les aidants ou une aide spécifique. »
En France, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), estime que 9,3 millions de personnes apportent une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie et que la moitié d’entre eux sont en activité professionnelle.
Si Catherine Geffroy est encore capable de s’occuper de son mari, elle sait qu’un jour, elle devra se résoudre à le placer dans un établissement spécialisé. « Mais pour le moment, je ne peux pas l’imaginer. » Elle qui est à la retraite depuis deux ans avait imaginé plein de projets avec son mari pour profiter pleinement de ces années de vie. « Aujourd’hui, on n’a plus de projets, ce n’est plus possible. On vit au jour le jour. Il faut voir la vie autrement. »
Vincent Faure