Décryptage du phénomène Taylor Swift, la chanteuse milliardaire qui débarque en France

C’est l’artiste de tous les records. Numéro 1 des ventes dans le monde entier depuis une dizaine d’années, Taylor Swift s’est construit un empire à sa démesure, jusqu’à atteindre le statut - plutôt rare dans la pop - de milliardaire. Mais au-delà des statistiques affolantes, la chanteuse américaine est surtout une compositrice majeure de son époque. Tentative d’analyse au moment où le phénomène déferle sur la France le temps d’une série de concerts.

Elle vient de battre un nouveau record. Depuis le 2 avril 2024, Taylor Swift est entrée officiellement dans le cercle très fermé des milliardaires, en compagnie de Bernard Arnault, Jeff Bezos ou Elon Musk. Tout ça grâce à ses chansons et une très forte détermination qui font de la jeune Américaine - 35 ans à peine - l’artiste la plus marquante de sa génération.

Aujourd’hui, elle est au sommet du monde, et personne n’est de taille pour la déloger, à part, peut-être, Beyoncé.

Sa longue tournée mondiale, The Eras tour, qui a débuté l’an dernier aux États-Unis, a dépassé tous les records de ventes et arrive dans quelques jours en Europe pour, encore, engranger des millions.

La série de concerts qu’elle entame à partir du 9 mai à La Défense Arena, à Paris, puis en juin à Lyon, affiche complet depuis longtemps et restera très certainement gravée dans la mémoire de milliers de fans qui ne l’ont encore jamais vue en direct.

La setlist (Ndlr : liste de chansons jouées pendant un concert), si elle est similaire à celles de l’an dernier, incorporera une quarantaine de morceaux issus de sa copieuse discographie.

Car c’est peu dire que Taylor Swift est productive. Depuis ses débuts en 2006, la trentenaire a publié onze albums, dont le dernier, The Tortured Poets Department, vient tout juste de sortir.

Il faut ajouter à cela quatre disques réenregistrés pour une sombre histoire de contrat, privant la chanteuse de la propriété de ses propres chansons. Autant dire que cela fait beaucoup de titres à écouter.

Mais les fans en redemandent. Partout, ce sont les mêmes scènes : des stades entiers qui connaissent les paroles par cœur et qui s’époumonent en accompagnant leur idole, dans de rares moments de communion. Deux disques folk sortis après le confinement. Chacun a sa période préférée. Cela peut être la country-pop des débuts, avec des titres un peu verts comme Teardrops on my guitar, sorti alors qu’elle n’avait que 17 ans. Ou plutôt l’électro-pop hyper efficace de 1989 et son tube mondial, Shake it off, toujours aussi irrésistible dix ans après sa sortie.

On peut également être sensible à ses deux albums à la tonalité folk et intimiste, Folklore et Evermore, publiés juste après le confinement. Comment résister à des ritournelles aussi mélodiques et introspectives que Cardigan, The Last great american dynasty, ou Exile, son duo avec la sommité du folk moderne, Bon Iver ?

Comment ne pas, également, succomber aux climats embrumés et rêveurs de Midnights (2022), inspiré par ses nuits d’insomnie ?

S’il fallait trouver un titre qui met tout le monde d’accord, ce serait très certainement All too well, chanson meta qui résume parfaitement l’art de Taylor Swift, entre confession intime, leçon de vie et appel à la résilience, à “l’empowerment” (émancipation). Sorti originellement en 2012 sur Red, ce morceau est devenu, aujourd’hui, un tour de force d’une dizaine de minutes et reste le point d’orgue toujours très attendu de chaque concert. Nul doute qu’on l’entendra encore à Paris ou ailleurs.

Au-delà de la musique, Taylor Swift est un phénomène, un terme souvent galvaudé mais qui s’applique parfaitement à sa situation. Sa domination sur la culture populaire est hégémonique, surtout aux États-Unis, ou elle rassemble, à elle seule, 7 % des ventes de vinyles.

Sur Internet, c’est encore plus marqué puisque la chanteuse cumule 26 milliards de vues sur Spotify, ce qui fait d’elle l’artiste la plus écoutée de la plateforme de streaming. Le très sérieux John Williams, président de la banque centrale américaine, a même déclaré, en septembre dernier, qu’il y a un "effet Taylor Swift" et qu’elle dope la croissance du pays.

Et au niveau politique, ça bouge aussi. Beaucoup d’observateurs se réjouissent - ou s’inquiètent, c’est selon - de l’influence que pourrait avoir la chanteuse sur ses fans au moment de l’élection présidentielle qui se profile. Les supporters de Donald Trump, par exemple, redoutent une possible intervention de la superstar.

Car malgré une relative neutralité, Taylor Swift ne fait pas mystère de son engagement en faveur de certaines causes. Dans le documentaire Miss Americana, disponible sur Netflix, on la voit se prononcer publiquement, pour la première fois, contre une candidate au Sénat de l’État du Tennessee, Marsha Blackburn, à cause de ses positions conservatrices et anti-LGBT. Peine perdue, elle a été élue avec une marge confortable.

Mais c’était en 2018, autant dire il y a une éternité. Aujourd’hui, Taylor Swift est bien plus influente. Où s’arrêtera-t-elle ?

Rémi Bonnet