Automobile d'occasion : les conseils d'experts pour ne pas se faire arnaquer

Au milieu d’un marché du véhicule d’occasion « durci et beaucoup plus cher » depuis la période Covid, des victimes « d’escrocs » et de vendeurs « malintentionnés » en Haute-Vienne se rassemblent et tentent de prévenir les futurs acheteurs. Retour d’expérience et partage de précieux conseils de professionnels bien installés dans le département.

Ils incarnent l’arbre qui cache la forêt. Une dizaine de citoyens arnaqués par des vendeurs de voitures d’occasion se sont rassemblés au sein du collectif « Résister 87 » en février dernier. Ils ont été contactés, suite à l’article racontant leur mobilisation dans nos colonnes, par 150 personnes en un mois, via leur boîte mail.« J’ai essayé de répondre à tout le monde, raconte le fondateur du collectif. J’ai entendu des gens pleurer au téléphone, ils avaient perdu des dizaines de milliers d’euros après l’achat d’une voiture d’occasion. C’est terrible. »

Si « Résister 87 » dénonce « le silence du monde de la justice, largué et beaucoup trop permissif avec des escrocs notoires », le collectif tente d’apporter des réponses pour éviter les arnaques.

Citoyens et professionnels reconnus tentent également de prévenir tout risque « dans un marché de l’occasion qui s’est durci et qui n’a plus rien à voir à la période avant-Covid », selon Laurent Jouanny, commercial pour le garage Renault Boutissou à Panazol.

« Des voitures bas de gamme, entre 2.500 € et 8.000 €, avec un fort kilométrage, précise le fondateur de Résister 87. La cible de ces vendeurs peu scrupuleux est souvent des femmes, des retraités ou de jeunes étudiants. La majorité des demandes se situe entre 3.000 et 6.000 €, ajoute Laurent Jouanny. C’est très compliqué aujourd’hui de trouver des véhicules impeccables à moins de 6.000 €. Nous demandons toujours pour quel usage les clients souhaitent une voiture. Sincèrement, pour faire 15.000 à 20.000 kilomètres par an, on ne vend pas de voitures à ce prix-là. »

« Se référer uniquement à l’Argus est terminé, assure Christian, ancien vendeur automobile expérimenté au Vigen. Pour savoir si le prix annoncé est correct et fiable, il faut aujourd’hui se rendre sur Leboncoin ou La Centrale, rentrer les caractéristiques du modèle, estimer le kilométrage que l’on souhaite ou encore regarder la valeur moyenne des voitures proposées. Estimer une voiture uniquement via l’Argus n’est plus dans l’ère du temps. »

Souvent, face à de jeunes conducteurs ou des personnes dans le besoin d’avoir une voiture rapidement, certains vendeurs « n’ont aucun scrupule à vendre n’importe quoi », s’indigne le collectif de victimes. Pour limiter le risque de se faire escroquer et de déchanter rapidement, Christian répond d’emblée :

« Il faut s’assurer de l’historique de la voiture. Le vendeur doit vous présenter le carnet d’entretien du véhicule et les factures des réparations effectuées dessus. C’est primordial. La carte grise également. Si jamais il (le vendeur) ne veut pas, ou prétend ne pas l’avoir sous la main, il y a sûrement un loup et il faut laisser tomber. »

Des propos que confirme Éric Leblanc, gérant du garage Leblanc import auto, à Couzeix : « Le problème dans le monde de l’automobile, c’est que c’est devenu tellement facile de monter une affaire et de vendre des voitures avec un peu d’argent de côté, que cela peut être la porte ouverte à certaines pratiques immorales. » Selon un expert automobile, « regarder uniquement le contrôle technique de moins de six mois est une erreur. Même si on est novice, on peut jeter un coup d’œil au carnet d’entretien. S’il y a un trou d’un an ou plus, sans précision, cela peut être une alerte. Ce n’est pas une obligation pour un vendeur, mais c’est hyper important pour prouver que le véhicule est en bon état, avec une bonne traçabilité ».

Pour Éric Leblanc, en activité dans le milieu depuis près de trente ans, les acheteurs doivent, lorsqu’ils repèrent un véhicule dans un garage, « s’informer sur l’entreprise. Il faut regarder les avis, bien se renseigner, en parler autour de soi. Nous n’avons rien à cacher et la réputation d’un établissement peut déjà donner une sacrée indication sur l’endroit où on met les pieds. Je dis toujours à mes acheteurs “si je ne peux pas vous fournir l’historique de cette voiture”, je ne peux pas vous la vendre. »

Si les véhicules semblent en très bon état à première vue, ils peuvent parfois regorger de petits vices cachés. Sans donner de noms, le collectif Résister 87 ne déplore « pas moins de seize garages mis en cause en Haute-Vienne » qui auraient arnaqué des particuliers lors de l’achat d’un véhicule d’occasion. Lorsqu’un particulier se rend dans un garage, Christian, qui a vendu des milliers de voitures, conseille

« toujours d’essayer la voiture directement. Contrôler qu’aucun voyant anormal ne s’allume, vérifier si la peinture du capot est la même qu’ailleurs, mais aussi soulever les tapis pour déceler d’éventuelles zones d’humidité qui peuvent amener des soucis. Il faut toujours réaliser ce petit “check-up” au volant. »

Lancée début 2018 par le ministère de l’Intérieur, cette plateforme en ligne gratuite permet d’accéder à l’historique d’un véhicule d’occasion avant de se décider. « C’est un bon moyen de suivre la vie d’une voiture », selon Christian. Avec le nom et prénom du propriétaire, le numéro d’immatriculation et le numéro de formule (le premier numéro en gros sur la première page du Certificat d’immatriculation, N.D.L.R.), il est possible de retrouver la date de mise en circulation, la courbe du kilométrage, le nombre de propriétaires différents, etc.

Pour le collectif Résister 87, dont bon nombre de membres ont obtenu gain de cause devant les tribunaux mais attendent toujours d’être indemnisés, le premier rempart à l’achat d’une voiture d’occasion est de « souscrire à une protection juridique ». Elle sera mobilisée en cas de litige avec un tiers qui cause un préjudice à l’acheteur. « Cela coûte souvent moins de 100 € par an mais elle permet de protéger l’intérêt des acheteurs et d’assurer la prise en charge des démarches et des éventuels frais de justice. »

Une solution qui peut s’avérer un brin onéreuse pour les petits budgets mais « qu’il ne faut pas hésiter à faire », réagit le commercial du garage Renault à Panazol… avant de tempérer : « Il faut aussi comprendre qu’une voiture à 3.000 €, un bon professionnel l’achète moins de 1.000 €. Chez nous, les voitures sont suivies sous le panneau (sous l’enseigne Renault) et on a une obligation de renseignements. Pour des voitures d’occasion à petits budgets, on ne peut rien garantir à 100 % en raison de l’âge et du kilométrage élevé des véhicules, mais on a des garanties proposées au client. »

« Oui, répond sans détour Éric Leblanc. La question du prix, pour des petits budgets, est primordiale. Mais il ne faut pas succomber aux sirènes du prix bas. De nombreux garages proposent des garanties pendant la durée du prêt des gens. Nous proposons par exemple des financements adaptés à nos clients, en lien avec des compagnies d’assurances. Mais ici, nous n’avons aucun contrat, on fait ce que l’on veut et il n’y a pas d’objectif, ce qui laisse le client choisir l’offre qui lui correspond le mieux. »

Tous les professionnels, experts et victimes interrogés sont unanimes. Si la renommée des moteurs allemands n’est plus à démontrer, ils évoquent « le danger d’acheter des voitures allemandes ». La raison ? « Les ennuis peuvent venir du kilométrage surtout, prévient Christian. En Allemagne, manipuler le compteur kilométrique est très répandu. Chez eux, rien n’interdit cette pratique, donc quand elles arrivent en France, il faut s’assurer du suivi de la voiture, avec les contrôles techniques, la plateforme Histovec, etc. »

Si vous avez été victime d’un escroc vendeur de voitures d’occasion, ou souhaitez apporter votre témoignage au collectif ou le rejoindre, vous pouvez envoyer un mail à : resister87@proton.me.

Thibaut Dailler

Photo Thomas Jouhannaud