De Notre-Dame-des Landes à l'ONU, le transport aérien enfume le climat
Faut-il s'en réjouir ? Quand les industriels se félicitent de l'adoption d'une norme contraignante dans le contexte actuel, on a de quoi s'étonner.
Petit rappel pour commencer. Le secteur aérien est responsable de 5% du réchauffement climatique d'origine humaine. S'il était un pays, il polluerait autant qu'un pays comme l'Allemagne. Ses émissions ont augmenté de 75% depuis 1990, soit deux fois plus que les autres secteurs sur la même période ! Pas étonnant, quand on sait que le carburant utilisé dans le secteur n'est absolument pas taxé et que ses émissions ont été exclues du Protocole de Kyoto.
L'accord de Paris : une occasion manquée ?
La COP21 n'a pas rectifié le tir, puisque le secteur aérien n'est pas inclus dans l'Accord de Paris. En revanche, l'accord signé fin 2015 fixe l'objectif de maintenir la hausse des températures bien en dessous de 2°C. C'est un signal fort envoyé au secteur aérien, car pour atteindre cet objectif, la limitation des émissions de gaz à effet de serre du dit secteur est incontournable et doit commencer dès maintenant.
Malheureusement, alors que le trafic international représente les deux-tiers des émissions du secteur, les mesures en préparation au niveau international ne sont pas à la hauteur et produiront leurs effets après 2020 seulement. Donc... trop tard.
Sans plus attendre, l'Union européenne, et a fortiori la France (qui est toujours présidente de la COP), doivent donc prendre les mesures nécessaires, par exemple développer l'offre ferroviaire et enfin taxer le kérosène. Ces mesures politiques sont à prendre en urgence, pour nous rapprocher de l'objectif signé à Paris : maintenir le réchauffement en dessous de 1,5 à 2°C. À condition bien-sûr de jouer la carte de la cohérence et d'abandonner les projets qui nous en éloigneront, comme l'aéroport à Notre Dame des Landes!
Norme CO2 : deuxième occasion manquée ?
Le Comité de la protection de l'environnement en aviation (CAEP) a donc accouché d'une souris. Les nouveaux avions ne seront concernés qu'à partir de 2020 et les avions en production pourront rester non conformes aux normes jusqu'en 2028 !
Le renouvellement de la flotte aérienne étant très long, les nouvelles normes auront pour effet principal de limiter un retour en arrière ! Mais elles ne feront à peine mieux qu'un scénario du "laissez faire" où l'efficacité énergétique des avions progresse à un rythme d'escargot. L'ONG Transport & Environment déplore l'influence des lobbies industriels (comme Airbus) sur les négociations, ainsi que la position de la France et de l'Europe.
En bref, les normes qui ont nécessité 6 années de négociations ne produiront que très peu d'effets sur les émissions de CO2 du secteur.
L'assemblée générale de l'OACI : cette fois-ci, ce sera la bonne ?
La balle est maintenant dans le camp de l'OACI. C'est à cette organisation de trouver un accord sur un instrument économique mondial de tarification des émissions de CO2 du secteur de l'aviation, en septembre prochain.
La baisse du prix du baril représente une opportunité unique de mettre en place un véritable prix sur la pollution, au moyen d'une taxe sur les émissions. Ce nouveau prélèvement pourrait dégager de nouvelles sources de financement pour aider les pays les plus pauvres à faire face aux inégalités croissantes. Notamment aux impacts des changements climatiques qui touchent surtout les populations les plus vulnérables.
En défendant une norme CO2 inefficace au niveau de l'OACI, l'Europe et la France ont retardé l'action dans un secteur où la croissance des émissions est sans commune mesure. Laurent Fabius a rappelé la semaine passée la nécessité d'agir sur les émissions du secteur cette année. L'efficacité de la mesure décidée en septembre sera déterminante pour limiter les émissions du secteur et rester dans les clous de l'Accord de Paris. Le nouveau gouvernement en fera-t-il un cheval de bataille ?
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