Ce que devait être la loi Travail, ce que le gouvernement a lâché, ce qui peut encore bloquer
Du grand jour de la loi Travail, le 9 mars était devenu son grand jour de contestation. Conscient de la mobilisation, le gouvernement a aussitôt accepté quelques concessions, essentielles pour les uns, insuffisantes pour les plus remontées.
Après la présentation de ce texte remanié, le gouvernement assure ne plus vouloir bouger d'un poil. Mais en face, la CGT et FO maintiennent leurs appels à une grande journée de manifestation le 31 mars, tandis que les organisations de jeunes (Unef, Fidl) défilent aujourd'hui.
Alors, dernière mouture, avant-dernière version, ou dernier texte avant abandon pur et simple? On reprend avec vous le fil de cette loi qui a déjà bien changé depuis sa première évocation en 2015.
Ce qu'elle devait être
La réforme du code du travail est le fruit d'une longue réflexion en amont. Il y a eu le rapport de Jean-Denis Combrexel le 9 septembre 2015, puis le rapport Badinter le 25 janvier 2016. Fin 2015, deux grandes lignes font consensus.
- Une sévère cure d'amaigrissement du Code du travail
Il y a tout simplement trop d'articles! "Quand éclate la vraie première grande crise, celle de 74, nous avions un code du travail d'environ 800 articles. Aujourd'hui, nous avons atteint plus de 8000 articles", a dénoncé Robert Badinter en mai 2015, sur France Inter. A droite, Bruno Le Maire ne dit pas autre chose aux Echos. Il veut le faire passer de 3700 à 150 pages.
- Moins de lois, plus de négociations en entreprise
Si l'accumulation des réformes et contre-réformettes nuit à l'emploi, autant retirer les clés à l'Assemblée nationale. Pour obtenir un droit du travail plus adapté aux besoins du terrain, l'Institut Montaigne préconise de "recentrer la négociation sociale autour de l'entreprise". Une idée pas toute neuve reprise par le rapport Combrexel.
Rapport #Combrexelle mercr. Dès 2011, @CoeRexecode insistait sur la priorité à donner au compromis construit en ents http://t.co/w1fGKrO52d
— Denis Ferrand (@Denis_Ferrand) 7 septembre 2015
L'exemple du référendum sur le dépassement des 35 heures au sein de l'usine Smart de Hambach devient le symbole de cette nouvelle liberté dont les entreprises auraient besoin.
#smart #39h Bravo les Français !http://t.co/IjrYmXAl9N pic.twitter.com/42zA4Q2OKh
— François Fillon (@FrancoisFillon) 11 septembre 2015
Ce qu'elle a lâché...
A partir du transfert de la loi au Conseil d'Etat, tout s'emballe. Le texte provisoire se retrouve le 18 février dans la presse. L'essentiel a été négocié avec les partenaires sociaux, mais des dispositions créent la surprise. Le texte devait être présenté en Conseil des ministres le 9 mars, ce sera finalement une journée de manifestation qui débouchera sur plusieurs concessions.
- ... sur le plafonnement des indemnités prud'homales
Evoqué par le Premier ministre à la remise du rapport Badinter en janvier, il figure bien dans le pré-projet de loi. Trois mois de salaire pour un salarié dont l'ancienneté est inférieure à deux ans, six mois entre deux et cinq ans, neuf mois entre cinq et dix ans. Le maximum est de 15 mois pour une ancienneté de plus de 20 ans.
Un déni de justice scandaleux pour les syndicats. Le gouvernement cède, les barèmes seront seulement indicatifs.
- ... sur la simplification du licenciement économique
Alors qu'il appartient aujourd'hui au juge de définir un licenciement économique, le projet de loi établit des critères plus objectifs. En cas de baisse des ventes ou des commandes sur un temps donné, l'employeur pourra se séparer de salariés. Quant aux filiales de groupes internationaux, elles n'auront plus à justifier des difficultés globale, mais seulement de la filiale.
Après le 9 mars, dans ce dernier cas, le gouvernement a accepté des pouvoirs d'investigation comptable accrus pour les juges. Une nouveauté conçue pour débusquer les groupes qui organiseraient les difficultés d'une filiale, à l'aide de jeux comptables entre pays.
- ... sur les accords d'entreprise
La projet de loi "corrigé" a réduit le champ des décisions unilatérales des chefs de petites et moyennes entreprises. Les PME devront finalement passer par un accord pour appliquer le forfait-jours. Si elles ne disposent pas de représentation syndicale, elles pourront négocier avec un salarié mandaté par un syndicat, comme le réclamaient les syndicats dits "réformistes".
Mais l'inversion de l'ordre de la négociation collective est conservée, avec des accords d'entreprises qui pourront prendre le pas sur ceux de branche, notamment concernant la durée de travail.
- Quant à la cure d'amaigrissement du Code du travail...
Elle a complètement disparu des discussions depuis fin 2015.
Ce qui peut encore bloquer
Le 22 mars, sept organisations patronales, dont le Medef et la CGPME, sont revenues à la charge pour contester la nouvelle mouture de la loi. Le retrait du plafonnement des indemnités prud'homales est vécu comme un "recul" qui "édulcore" les mesures en faveur des petites et moyennes entreprises. Pour les patrons de PME, c'est l'abandon des mesures spécifiques aux petites entreprises qui ne passe pas.
Pour FO et la CGT, c'est plus simple. Tout le projet est à jeter aux oubliettes. Le grand test interviendra avec leur journée d'action du 31 mars.
Je viens de confirmer au Premier Ministre, au nom de FO, faute de suspension, la demande de retrait du projet de loi
— Jean-Claude Mailly (@jcmailly) 14 mars 2016
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