Autisme: peut-on (encore) attendre quelque chose de l'Etat?
Chaque année, 8000 enfants autistes naissent et viennent s'ajouter aux 47.000 handicapés mentaux pour lesquels aucune prise en charge n'est apportée. Face à ce drame, l'Etat se livre à des combats d'arrière garde, sans parvenir même à entériner ce que tous nos voisins européens ont compris depuis longtemps: l'approche psychanalytique n'est pas la bonne approche. Dans une certaine forme de résignation, l'Etat oriente les enfants vers la Belgique où le nombre d'autistes accueillis dans des centres proches de la frontière, (aujourd'hui 6500), ne cesse de croître. Imaginons une seconde une société qui décide de confier la prise en charge des malades du cancer à ses pays voisins...
Au milieu de cette Bérézina, des parents, faisant face au handicap de leur enfant au quotidien, se battent jusqu'à l'épuisement pour obtenir une place dans un centre adapté: le Graal! Et avant cela, ils tentent d'obtenir un diagnostic conditionnant le versement d'une allocation indispensable pour payer la nounou qui leur permettra de souffler quelques heures par semaine.
Quel courage ces parents déploient, sans jamais renoncer -le pourraient-ils?- à la recherche d'un bon tuyau, d'une adresse...: "As-tu entendu parler de ce pédopsychiatre? Il parait qu'il ne soigne pas qu'à coup de Risperdal ou d'Abilify?". "Il paraît qu'un nouveau centre ouvrirait d'ici 3 ou 4 ans en région parisienne...". C'est là le paradoxe... On reproche à l'Etat de ne pas en faire assez, alors que des milliers de parents sont prêts à tout donner pour trouver une solution.
Quel dommage de consacrer toute son énergie à lutter contre une bureaucratie toujours plus pesante! Il y a quelques années, des associations de parents pouvaient encore élaborer un projet d'accueil, généralement conçu pour un nombre limité d'autistes, et soumettre leur projet à l'Agence Régionale de Santé qui le finançait s'il était solide.
Depuis quelques temps, peut-être en raison d'un trop grand nombre d'échecs, l'Etat a décidé de mettre fin à ce procédé et lance au compte gouttes, des appels à projets pour des structures plus importantes. On ne peut qu'encourager la création de structures, mais en interdisant toute initiative spontanée, l'Etat se prive de cette fabuleuse énergie dont peuvent faire preuve les parents et leur entourage, premiers concernés.
Alors, plutôt que de verser 250 millions d'euros chaque année pour la prise en charge en Belgique de nos petits exilés, pourquoi ne pas soutenir les parents à constituer des projets? Pourquoi, plutôt que décourager leurs initiatives, ne pas les aider au travers de séminaires ou de formations au cours desquels des organismes compétents apporteraient leur expertise pour accompagner ceux qui le souhaitent à monter des projets?
L'idée n'est pas nouvelle, elle existe depuis de longues années pour la création d'entreprises. Ces pépinières, qui accueillent des start up, constituent des terreaux fertiles où l'on partage les compétences et les expériences pour surmonter les difficultés et atteindre plus facilement l'objectif.
Depuis 4 ans, notre association, Le Chemin de Pierre, vise à créer une structure d'accueil pour des adultes autistes. Après plusieurs années de recherches, nous avons compris que nous n'y arriverions pas seuls. Avec une autre association poursuivant le même but, nous nous sommes associés à la Société Philanthropique, créée en 1780, qui gère aujourd'hui vingt établissements pour soutenir des personnes en difficultés.
La "maison Harmonia" ouvrira ses portes d'ici la fin de l'année, et ce, grâce à ce partenariat entre divers professionnels qui apportent chacun sa pierre à l'édifice par ses compétences juridiques, financières, sanitaires et sociales. Notre action peut dès lors se consacrer à l'essence même de notre projet: la prise en charge des autistes, notamment au travers d'un accompagnement par des bénévoles. Le montage du projet s'est tout naturellement articulé autour de différents groupes de travail: vie quotidienne, finances, bénévolat, mécénat, aménagement, communication... et la Société Philanthropique dépouille les appels d'offre pour la réalisation des travaux, et porte en grande partie le projet financièrement.
Le financement est, on s'en doute, l'une des clés du projet. Trouver des fonds est un travail de longue haleine, qu'il convient de gérer comme un projet à part entière. Tout en convainquant les entreprises et les particuliers de contribuer par leurs dons à la réalisation du projet, il faut également travailler à obtenir le label qui autorisera la défiscalisation des sommes versées, sésame indispensable pour espérer récupérer quelques ISF ou autre IRPP... Par ailleurs, l'organisation de multiples événements tels que représentations de théâtre, concerts, courses à pied, rythme l'avancement du projet et contribue à son financement.
Mais la principale difficulté porte sur le budget de fonctionnement. Comment s'assurer que dans les années à venir, les subventions et les dons seront pérennisés? Je suis sûr qu'avec la centaine d'euros quotidienne que verse pour chaque enfant la France aux établissements belges, de nombreuses structures créées par des associations de parents pourraient fonctionner durablement. Ajoutons à cela l'immense générosité dont font preuve les étudiants, les retraités, mais aussi toute personne désireuse de donner une à deux heures de son temps une fois par semaine, et nous pourrons résoudre en partie le problème de la prise en charge des autistes en particulier et des personnes handicapées en général.
Si seulement l'Etat voulait bien accompagner les parents, les associations, les bénévoles qui sont prêts à prendre le problème à bras de corps, qui sont prêts à en faire une cause nationale...
Photo: Henri de Foucauld
Lire aussi:
• Le jour où mon fils autiste est entré dans une mosquée
• Nos amis Pierrots
• La marche des Pierrots
• Pour suivre les dernières actualités sur Le HuffPost C'est la vie, cliquez ici
• Deux fois par semaine, recevez gratuitement la newsletter du HuffPost C'est la vie
• Retrouvez-nous sur notre page Facebook
Également sur Le HuffPost: