Les espoirs d'ouverture s'évanouissent-ils pour l'Iran?
Âgé de 76 ans, Ali Khamenei qui n'a de cesse de mettre en garde contre "l'infiltration étrangère" et la "dénaturation de la république islamique", a tenu des propos particulièrement durs le 30 mars :
"Les ennemis de la révolution (islamique) utilisent le dialogue, le commerce, les menaces militaires et tout autre moyen contre nos intérêts et nous devons être capables de nous défendre dans tous ces domaines (...) Ceux qui affirment que l'avenir est dans les négociations, et non pas dans les missiles, sont soit ignorants, soit des traîtres".
Le guide suprême des mollahs a posté ce message sur son site officiel quelques heures après l'intervention de la France et des alliés occidentaux aux Nations Unies en raison des essais de missiles de Téhéran. En effet, les Pasdaran venaient de tester des missiles d'une portée de 1.400 km. Dans leur lettre à Ban Ki-Moon, les occidentaux ont considéré que les tirs de missiles "étaient provocateurs et déstabilisateurs et menés au mépris de la résolution 2231 de 2015". Cette résolution entérine la levée de la plupart des sanctions internationales contre Téhéran, mais maintient l'interdiction faite à l'Iran de travailler sur des missiles capables d'emporter des ogives atomiques. Or, souligne la lettre, les deux types de missiles tirés en mars (le Shahab-3 et le Qiam-1) "sont de par leur conception capables de transporter des armes nucléaires".
Investir en Iran ?
La controverse au sujet des missiles iraniens et les propos d'Ali Khamenei ne font que pousser encore plus loin la perspective de retour de la confiance des entreprises européennes pour investir en Iran. Khamenei qui semble déjà résigné à son sort, a réaffirmé dans son message du Nouvel An perse, le 20 mars, son engagement en faveur du concept d'"économie de résistance" en opposition à l'"ouverture".
"L'année (iranienne) de 1395 doit être celle de l'économie de résistance, d'actions et de mises en œuvre. La République islamique doit prendre des mesures pour réduire sa vulnérabilité face aux desseins de ses ennemis", a-t-il précisé.
Les agitations anxiogènes des extrémistes en Iran ne font qu'alimenter les soupçons sur la volonté réelle et la capacité du régime à s'ouvrir. La levée des sanctions internationales ne peut s'opérer qu'avec des gages d'apaisement politique et le retour de l'Iran à des pratiques civilisées. Or l'Iran est toujours engagé à l'intérieur dans une répression féroce contre sa population : avec le plus grand nombre d'exécutions par tête d'habitant dans le monde, des dizaines de journalistes et de militants des droits de l'homme, des féministes engagées, des opposants politiques du mouvement des Moudjahidines du Peuple et d'autres groupes, qui croupissent dans les prisons des pasdaran.
À l'extérieur, la république islamique continue de soutenir contre vents et marées le dictateur de Syrie en participant dans les combats contre l'opposition modérée et le massacre d'une population excédée. Au Yémen, au Liban, au Bahreïn, en Irak elle soutient des mouvements extrémistes et attise les conflits. Sans parler des provocations balistiques qui ont repris après la pause du chantage nucléaire.
Faire des affaires en Iran n'est pas sans embûches. Le système bancaire iranien est encore potentiellement lié au blanchiment d'argent et au financement du terrorisme. Les entreprises françaises qui souhaitent investir en Iran restent inquiètes des sanctions qui pèsent sur les Pasdaran. Ces derniers continuent d'être considérés comme une entité terroriste par les Etats-Unis et il est interdit de leur fournir des services financiers. Or plus de 50 % de l'économie iranienne est aux mains des Pasdaran et ces derniers se dissimulent sous des couvertures diverses dont il est souvent difficile de faire le tri.
Un mal fondamental ronge le régime
Le handicap du système du Guide suprême réside dans son incapacité intrinsèque à se réformer. Tout relâchement politique est considéré comme un danger dans un pays qui a connu le soulèvement populaire de 2009. Un régime impopulaire qui ne tient qu'à la répression et la censure, est un régime fragile et instable. D'autant plus que l'autorité d'Ali Khamenei, qui a récemment essuyé un sérieux revers lors des élections législatives et du Conseil des gardiens, a été fragilisée auprès de la base du régime qui craint pour son avenir. La démonstration de force balistique du mois de mars a été perçue par les analystes comme un moyen désespéré de Khamenei et ses pasdaran pour revigorer leur autorité.
Cette obsession existentielle et cette antienne répétée à longueur de journée par les autorités du régime sur de "la menace d'infiltration de l'Occident" et "les complots de l'ennemi" réside dans un mal fondamental qui ronge le régime : aux antipodes des valeurs modernes, le régime des mollahs est fondé sur le principe de l'autorité absolue d'une seule personne. Un guide suprême incompétent, de surcroît, dont les appels à sa destitution et à l'abolition de ce principe même de gouvernance, se font chaque jour plus fort entendre en Iran. Le régime est donc devant un dilemme inextricable : s'ouvrir signifierait renoncer au principe du guide suprême et à l'emprise des pasdaran. Une telle perspective serait un aveu de faiblesse face à une population qui n'attend qu'une occasion pour en découdre définitivement avec le système archaïque.
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