Grève des éboueurs: avant l'Euro, Paris "croule" sous les ordures
"Venez demain, vous verrez, ça sera infesté de rats !", prédit Laurent, gérant d'un magasin de vêtements dans le centre de Paris. Les éboueurs sont en grève depuis une semaine et, à deux jours de l'Euro, dans le Quartier latin, les poubelles pleines à ras bord ont fait fuir les touristes des terrasses.
"Le client, il est en face des poubelles, forcément, ça coupe l'appétit...", se lamente Zahier, serveur au Petit Cluny. "Ce matin, j'ai même vu des touristes qui prenaient des photos, c'est consternant".
Rue de la Harpe, des montagnes de détritus dégorgent sur les trottoirs en face des nombreux restaurants et bars. Au croisement avec le boulevard Saint-Germain, un motocycliste s'approche à vive allure d'un camion benne et jette son sac poubelle sous le regard médusé d'éboueurs non-grévistes, debout sur le marche-pied.
Romain, serveur au Café Latin, chemise à carreaux et barbe de hipster, observe la scène en fumant: "L'an passé, en septembre je crois, c'était bien pire. La porte cochère, là ? Ca montait jusqu'en haut, on la voyait même plus !"
"Les poubelles s'accumulent dans certains arrondissements. Je pense aux Ve et VIe arrondissements (centre chic de Paris) qui sont en train de crouler (sous les ordures), où cela fait 24 heures qu'il n'y a pas eu de ramassage", déplorait mercredi matin la maire PS de Paris Anne Hidalgo lors d'une conférence de presse.
- "On s'en sort pas" -
"La loi Travail, y'a des choses qui sont bonnes mais faut virer l'article 2 !", s'écrie Vincent, éboueur syndiqué. "Gréviste toute la semaine dernière", il a repris le travail car "là (il) a besoin de bouffer".
"Notre salaire n'a pas bougé depuis sept ans, on s'en sort pas, on n'arrive pas à faire les courses pour quatre alors qu'on va à Lidl hein, pas à Fauchon!", ironise t-il, avant d'ajouter: "On demande pas à être riche, on veut simplement vivre des fruits de notre travail".
Depuis début juin, les actions à l'appel de la CGT pour protester contre le projet de loi Travail se font par intermittence, devant les garages de camions bennes ou les déchèteries du Syctom (agence métropolitaine des déchets).
Déplorant ces "actes de blocage", la maire de Paris a souligné qu'en "période de décrue progressive de la Seine, la collecte des déchets est un enjeu sanitaire particulièrement important". "Ils ont un impact strictement local, qui pèse sur la vie quotidienne", regrette-t-elle.
Rue Saint-André des Arts, où se situe Le Procope, l'un des plus anciens cafés-restaurants de la capitale, l'entrée est encombrée d'ordures. A deux pas, Josué, serveur depuis 10 ans à La Jacobine, se désole: "On a reçu une amende parce que les poubelles n'étaient pas ramassées mais il y a grève, c'est pas de notre faute !"
Près de la station de métro Odéon, un homme d'un certain âge se presse jusqu'à un camion benne, tirant péniblement sa poubelle derrière lui. Remerciant les éboueurs, il leur conseille d'aller ensuite déverser les poubelles devant l'Elysée: "ça leur fera les pieds !"