Venezuela: isolé et en crise, le pays reçoit le sommet des Non-Alignés
Le Venezuela a pris samedi la présidence pour trois ans du Mouvement des Non-Alignés alors qu'il cherche à rompre son isolement international en pleine crise politique et économique.
Caracas n'a pas précisé combien de pays, sur les 120 membres constituant le Mouvement, étaient représentés pour ce 17e sommet qui se tient jusqu'à dimanche sur l'île de Margarita (nord).
Le président iranien Hassan Rohani, qui remettait la présidence du Mouvement, a souhaité que grâce à "l'effort et l'engagement des autorités vénézuéliennes", les Non-Alignés soient encore "renforcés".
Le Venezuela assumera cette présidence alors que le président socialiste Nicolas Maduro, impopulaire, est sous pression: l'opposition de centre droit cherche à le faire partir via un référendum révocatoire.
M. Maduro a estimé samedi dans un discours, que son gouvernement était victime d'une "attaque impérialiste" et d'une "guerre économique" cherchant à le destituer.
Le chef de l'État espère "profiter de ce sommet historique et de la présidence du Mouvement pour continuer à dénoncer cette droite pro-impérialiste, agenouillée devant les intérêts de l'empire (les États-Unis, ndlr)", avait-il déjà lancé avant le sommet, accusant l'opposition de fomenter un coup d'?État avec le soutien de Washington.
Cette semaine vient toutefois de prouver au Venezuela qu'il est de plus en plus isolé sur la scène internationale, y compris dans sa propre région: l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, pays fondateurs du Mercosur, lui ont retiré la présidence tournante du marché commun sud-américain, préférant l'assumer conjointement.
Le pays se voit reprocher de n'avoir ratifié, depuis son adhésion en 2012, qu'un nombre restreint des normes juridiques du Mercosur.
Furieux, Caracas a dit refuser cette décision et garder la présidence, donnant lieu à une situation ubuesque pour ce bloc régional fondé en 1991.
- "Cacher la grave crise interne" -
Caracas espère aussi un soutien à sa campagne auprès des producteurs de pétrole pour stabiliser les cours.
Le pays pétrolier, dont l'économie a sombré avec la chute des cours du brut, affiche désormais la pire inflation au monde, attendue à 720% cette année par le FMI, et une pénurie touchant 80% des aliments et médicaments.
"Que cherche Maduro? Faire croire qu'ici, il ne se passe rien", explique à l'AFP l'analyste Milagros Betancourt.
"Il ne veut pas perdre plus de légitimité internationale car à l'échelle nationale, il l'a perdue depuis déjà longtemps", estime-t-elle, mais "le pays n'est pas en condition de réaliser ce sommet. La question de l'insécurité et des pénuries fait qu'il sera de faible importance".
En accueillant ce sommet, "ce que cherche véritablement (le gouvernement), c'est une photo (de famille) très coûteuse pour essayer de cacher la grave crise interne et l'isolement international du Venezuela", juge l'analyste Kenneth Ramirez, de l'Université centrale du Venezuela.
L'opposition accuse le gouvernement de dépenser des millions dans cet événement qui selon elle ne sert qu'à "se donner une bonne image" et "maquiller" la situation interne.
"Ils sont en train de monter un spectacle qui se moque des Vénézuéliens qui ont faim", affirme l'ex-candidat à l'élection présidentielle Henrique Capriles.
L'île touristique a été le théâtre de tensions ces dernières semaines, avec une trentaine de personnes arrêtées après des manifestations et concerts de casseroles lors de la venue du président Maduro.
Elles ont toutes été libérées depuis, sauf le journaliste chilo-vénézuélien Braulio Jatar.
Par précaution, le gouvernement a déployé dans la région plus de 14.000 policiers et militaires.
Un millier de personnes, avec à leur tête Diosdado Cabello, numéro deux du pouvoir vénézuélien, ont défilé vendredi à Porlamar pour exprimer leur soutien au président Maduro.
Ces partisans du régime, jeunes en majorité et vêtus de rouge, ont scandé des slogans révolutionnaires et brandi des drapeaux au pied d'une statue de bronze de Hugo Chavez, le défunt président vénézuélien (1999-2013), qui fut le leader de la gauche radicale latino-américaine.