Le témoignage édifiant d'un enseignant à la Sorbonne ayant subi des violences policières
Le témoignage de son arrestation a initialement été publié de façon anonyme sur le compte Facebook d'un ami, avant d'être censuré par le réseau social. Il a ensuite été reproduit dans son intégralité dans la rubrique blog de Mediapart.
En quittant une gare de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), l'enseignant et militant au Nouveau Parti Anticapitaliste assiste à l'arrestation d'une femme noire, d'une cinquantaine d'année, menottée par la police et qui "hurle que les menottes lui broient les mains, qu’elle n’en peut plus." Alors qu'il sort son téléphone pour filmer la scène, dans l'objectif de la partager par la suite, un policier lui enjoint d'arrêter de filmer "car c'est interdit dans la gare", ainsi que l'on entend dans les vidéos diffusées lors de la conférence de presse. C'est à partir de cet instant que la situation dérape.
Selon la description de la scène faite dans le post Facebook, Guillaume Vadot est attrapé et mis à terre par les policiers, qui s'emparent de son téléphone et suppriment les vidéos qu'il a pu filmer. S'ensuit une interpellation plus que musclée assortie de menaces de morts et pendant laquelle les forces de l'ordre font usage de leur taser.
"Le pire en réalité n’était pas la douleur. Les deux flics qui sont sur moi sont surexcités. Et ils se lâchent. Crânes rasés, les yeux brillants, j’ai du mal à croire que la scène qui suit est réelle. 'On va te tuer, tu es mort, on va te défoncer, je te crève là sur place dans dix minutes'. Et au fur et à mesure que les cartilages s’étirent sous la torsion, ils remontent mes poignets dans mon dos, et augmentent la torsion. Celui de gauche me met la main sur les fesses. 'T’as cru que t’allais jouer avec la police? Regarde comme on va jouer avec toi'. Et il me met une première béquille. Puis il remet sa main sur mes fesses. Avec les clés de bras, je ne peux plus respirer normalement. Nouvelle béquille. 'On va te violer, ça te plaît ça? Je vais te violer et on va voir si après tu filmeras la police'.
Ça continue. 'Tu soutiens Daech c’est ça?'. 'Quand ils vont venir tu feras quoi? Tu vas les sucer?'. 'Faudra pas pleurer et demander qu’on te protège'. Je n’ai réalisé que plus tard qu’ils étaient en train de parler de Daech... pour justifier leur attitude face à une femme racisée qui avait oublié son pass Navigo.
Ils ouvrent mon sac et prennent mon portefeuille, le vident dans mon dos. Ils me prennent mes clopes en me disant de m’asseoir dessus. Ils trouvent ma carte de prof précaire à la fac. 'T’es prof? Quand l’Etat islamique viendra à la Sorbonne tu vas les regarder en te branlant?'. Celui de gauche: "Regarde-moi sale pédé. Sale pute. Tu habites là-bas hein? (il montre mon immeuble). Je vais venir chez toi, je vais mettre une cagoule et je vais te violer'."
"Détruire toute preuve d'un contrôle illégal"
"Ce qui frappe tout d'abord, c'est la recherche, le souhait des policiers de détruire toute preuve d'un contrôle qui s'avère être illégal", a souligné l'avocat de Guillaume Vadot lors de la conférence, avant de qualifier de "mensonge", l'interdiction de filmer dans une gare. "Il ne s'agit pas d'amateurs", a-t-il précisé, s'appuyant sur le fait que les policiers avaient vérifié la suppression définitive des fichiers, dans le fichier "supprimés récemment", qui conserve pendant quelques jours une trace des documents effacés.
Toutefois, les vidéos ont par la suite été récupérées par un ami informaticien et diffusées lors de la conférence (à partir de la 23e minute dans la vidéo ci-dessous). L'avocat et son client ont saisi le Procureur de la République et le Défenseur des Droits. Un appel à témoins a également été lancé, afin d'identifier les policiers mis en cause. Guillaume Vadot a également précisé avoir été contacté par l'Inspection Générale de la Police Nationale, sans toutefois renoncer à sa plainte.
L'intégralité de la conférence de presse de Guillaume Vadot, victime de #violencespolicieres à St Denis https://t.co/XEShkV3dM4
— Nathalie Fessol (@nfessol) 26 septembre 2016
"Il ne semble pas que ce soit la seule bavure"
Pour le militant NPA, il s'agit désormais de faire bouger les choses. Lors de la conférence de presse, il est notamment revenu sur le fait que des scènes plus ou moins similaires étaient loin d'être inhabituelles pour les habitants de Saint-Denis et d'ailleurs.
"Il ne semble pas que ce soit la seule bavure. J'ai sorti mon téléphone, j'ai fait un geste qui est un geste militant, parce que j'ai l’habitude de manifester (...), parce que j'ai l'habitude d'être sensible à cette affaire. Mais en réalité, ce qu'il me semble c'est que le témoignage que j'ai écrit, l'écho qu'il a rencontré, montre que je ne suis pas le seul à avoir l'habitude. (...) On est dans quelque chose qui arrive à très grande échelle et qui est en train de susciter une conscience à très grande échelle", a insisté le professeur lors de la conférence de presse.
Guillaume Vadot ne veut pas porter simplement son cas, mais aussi celui de "toutes les personnes brutalisées de la sorte dans ce contexte"
— Quentin Descamps (@QDescamps) 26 septembre 2016
Cette affaire intervient dans un climat déjà tendu entre les forces de l'ordre et les citoyens. En effet, en juillet dernier, le collectif "Stop violences policières" avait déposé 68 réclamations au Défenseur des Droits à la suite des manifestations contre la loi Travail.
Le même mois, la mort d'Adama Traoré lors de son arrestation avait donné lieu à quelques heurts entre les habitants de Saint-Denis et les forces de l'ordre. Dans sa publication Facebook, Guillaume Vadot avait également évoqué ces tensions, comparant l'image de l'arrestation "aux images de la mobilisation aux Etats-Unis: une rangée de policiers, face à une autre rangée d’habitantes et habitants noirs de la ville".
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