Les Cubains de l'"Oriente" prêts à braver la furie de l'ouragan Matthew
Coutumiers des tempêtes tropicales, les Cubains de l'est du pays affichaient une certaine sérénité mardi à l'heure d'affronter les violentes bourrasques de Matthew, pourtant considéré comme l'ouragan le plus puissant à menacer l'île depuis plusieurs années.
Rues désertes, arbres élagués, lampadaires et panneaux indicateurs démontés, la ville de Guantanamo, sur la pointe orientale de l'île, présentait mardi un visage pour le moins inhabituel.
"J'ai de la nourriture pour aujourd'hui et demain, après on verra. La crainte que j'ai est que le fleuve Guaso déborde et que tout soit bloqué", explique à l'AFP Roberto Portes, un gardien de parc de 63 ans dont la maison en dur est située à 200 mètres du cours d'eau.
En sortant acheter un peu de rhum à la mi-journée, Roberto faisait partie des rares habitants de cette ville de 201.000 habitants à oser mettre le nez dehors, alors qu'une pluie fine atténuait l'habituelle touffeur d'octobre.
Le système de prévention et d'alerte cubain, qui jouit d'une véritable reconnaissance internationale, s'apprête encore une fois à être mis à l'épreuve dans l'"Oriente", région qui avait déjà été balayée il y a quatre ans par Sandy. L'ouragan avait fait 11 morts, notamment lors de l'effondrement d'habitations.
Avec des rafales dépassant les 230 km/h, Matthew est classé catégorie 4 sur l'échelle de Saffir-Simpson, qui compte 5 échelons. En 2012, Sandy avait été classée en catégorie 3 au moment de traverser l'île.
A 18H00 GMT, Matthew se trouvait à 105 kilomètres au sud-est de la partie est de Cuba et devait frapper l'île à partir de la fin d'après-midi mardi et jusqu'à mercredi à l'aube.
Depuis plusieurs jours, gouvernement, défense civile et autorités des quatre provinces orientales placées en état d'alerte maximale sont mobilisés pour informer la population, coordonner plus de 300.000 évacuations volontaires et approvisionner commerces, refuges et centres de distribution de nourriture.
- Scotch, cartons et sacs de sable -
A Guantanamo, les habitants ont été enjoints à protéger leurs fenêtres avec de la bande adhésive et des cartons, de bloquer leurs portes avec des barres de fer et de renforcer les toits de tôle avec des sacs de sable.
Alexis Vigo, chômeur de 45 ans qui vit avec sa mère, Barbara, dans une maison de type colonial construite en 1968, dit se sentir "en sécurité". "Mais si ça tourne mal, on pourra évacuer", affirme-t-il.
Sa mère de 73 ans, plus anxieuse, a prévu de prendre une pastille pour les nerfs et d'"allumer une bougie pour prier lorsque le vent soufflera".
Les médias locaux, tous officiels, consacrent depuis 48 heures l'essentiel de leurs programmes à l'ouragan, sa progression et ses dangers. A la télévision d'Etat, le célèbre Jose Rubiera, expert national et directeur du centre de pronostics de l'Institut de météorologie de Cuba (Insmet), multiplie des interventions toujours très pédagogiques.
"Les Cubains ont un niveau de préparation exemplaire. Pour s'en rendre compte il suffit de regarder les chiffres de vies sauvées sur les précédents cyclones" par rapport aux autres pays de la région, juge Jérôme Faure, directeur pour Cuba d'Oxfam, l'une des rares ONG internationales présentes à Cuba.
Ces derniers jours, la Défense civile a aussi mobilisé les radio-amateurs, alors que de nombreuses antennes-relais téléphoniques ont dû être démontées.
"Le système est très bien organisé autour de la Défense civile et au niveau des municipalités (...) A Santiago de Cuba par exemple, les organisations populaires et les gouvernements locaux sont tous mobilisés pour évacuer les personnes et protéger les équipements et les ressources", poursuit M. Faure.
"L'impression que nous avons, c'est que des leçons ont été tirées de Sandy, les mesures ont été renforcées", constate encore le responsable d'Oxfam, qui peut notamment assister les autorités dans les domaines de l'accès à l'eau et de l'hygiène.
Dans un bulletin publié dans la matinée, l'Institut de météorologie cubain a prévu de fortes pluies, de violentes rafales de vent et de lames de fond répétées sur le littoral avec des risques d'inondations.
Matthew est le 12e ouragan d'importance à toucher Cuba depuis le début des années 2000. En 2005, Dennis (catégorie 4, puis 3) avait provoqué la mort de 16 personnes sur l'île.