La romancière Karine Tuil lauréate du prix Landerneau des lecteurs
La romancière Karine Tuil a reçu mercredi le 1er prix Landerneau des lecteurs pour son roman "L'insouciance" (Gallimard), un des livres les plus puissants de la rentrée littéraire qui ausculte les fractures de la société française.
C'est "un roman qui s?affronte et se confronte au monde contemporain et à des problématiques qui nous touchent, nous inquiètent. Karine Tuil le fait avec un vrai talent de raconteuse d?histoires au sein d?un récit haletant qui emporte le lecteur", a souligné l'écrivain Philippe Claudel, président du jury et par ailleurs membre de l'académie Goncourt.
Ce prix, le premier du genre, créé à l'initiative de Michel-Edouard Leclerc, est choisi par un jury de 200 lecteurs sélectionnés dans toute la France. Jusqu'alors, le prix Landerneau du roman -qui a récompensé l'an dernier Virginie Despentes- était décerné par un jury de libraires de l'enseigne. Il est doté de 10.000 euros.
"L'insouciance", le dixième roman de Karine Tuil, est également en lice pour le Grand prix du roman de l'Académie française et l'Interallié.
Avec ce roman ambitieux et captivant, la romancière poursuit son exploration de la violence du monde entamée dans des livres comme "Douce France" (2007) ou "L'invention de nos vies" (2013).
Quatre personnages s'entrecroisent: Romain, un lieutenant revenu traumatisé d'Afghanistan après la destruction de son unité par des talibans, Marion, une jeune et séduisante journaliste mariée à François Vely, homme d'affaires charismatique issu d'une famille juive convertie au catholicisme, et Osman, fils d'immigrés ivoiriens, ancien éducateur social en banlieue, devenu conseiller du président de la République (de droite).
Avec eux, Karine Tuil nous entraîne dans "les zones grises" de la société française contemporaine.
Le livre est dédiés "aux blessés" et on ne sort pas indemne de sa lecture. Il y a la violence absolue de la guerre bien sûr mais pas seulement. Une femme abandonnée ne trouve d'autre issue que le suicide, sous les ors des palais nationaux on sacrifie brutalement le protégé d'hier, le racisme et l'antisémitisme n'attendent qu'une étincelle pour devenir brasier.
Ce livre n'est "ni un documentaire, ni un livre à message" mais, insiste la romancière, interrogée récemment par l'AFP, "j'ai essayé d'être au plus près d'une représentation de la société, de saisir des instants".
Dans un style pugnace, elle pointe la dérive des communautarismes, la concurrence victimaire. "On a toujours intérêt à être pessimiste, tôt ou tard, la vie se charge de vous prouver que vous aviez raison", fait-elle dire à un de ses personnages. Tous perdront "une forme de légèreté. Ce qui restait d'enfance. L'insouciance".