Venezuela: l'opposition maintient le cap contre Nicolas Maduro
De grandes figures de l'opposition au Venezuela ont rejeté mardi l'offre de dialogue du gouvernement socialiste, lancée à l'appel du pape pour sortir de la grave crise politique que traverse le pays, et réaffirmé leur but: faire partir le président Nicolas Maduro.
"Au Venezuela, aucun dialogue n'a commencé, le programme de la MUD (coalition de la Table pour l'unité démocratique, centre droit, ndlr) reste intact", a assuré l'un des leaders de l'opposition, l'ex-candidat à l'élection présidentielle, Henrique Capriles.
Créant la surprise lundi, le nonce apostolique argentin Emil Paul Tscherrig avait affirmé à Caracas que "le dialogue national" avait "commencé".
Une rencontre, la première depuis 2014, a réuni le secrétaire général de la MUD, Jesus Torrealba, figure de l'opposition, et des représentants du gouvernement, selon le nonce agissant comme émissaire du pape. L'objectif de cette rencontre était d'organiser "une réunion plénière" sur l'île Margarita (nord) le 30 octobre.
Cette déclaration survenait juste après une audience, surprise elle aussi, du président Maduro par le pape François à Rome, où le chef de l'Etat vénézuélien avait fait escale au retour d'une tournée au Moyen-Orient.
M. Maduro était ensuite apparu à la télévision vénézuélienne pour "remercier" le pape pour son "soutien afin qu'on installe enfin une table du dialogue au Venezuela entre les différents courants de l'opposition et le gouvernement".
Mais dès la soirée, des dirigeants des trois principaux partis formant la MUD, notamment Henrique Capriles, le président du Parlement Henry Ramos Allup et l'épouse de l'opposant emprisonné Leopoldo Lopez, Lilian Tintori, ont nié tout début de dialogue.
Leurs démentis ont révélé au grand jour les fractures qui persistent au sein de la MUD, vaste coalition couvrant un large spectre du centre à la droite.
"Si certains veulent aller (à cette offre de dialogue, ndlr) et d'autres non, c'est un échec", a reconnu le chef de la majorité parlementaire, Julio Borges. "Nous devons parvenir à ce que la MUD dans son ensemble prenne la décision".
M. Capriles a réitéré l'appel à manifester dans tout le pays mercredi pour exiger le départ anticipé du président, élu en 2013 et dont le mandat expire en 2019.
- Une destitution du président? -
L'opposition reproche au chef de l'Etat, héritier politique du défunt Hugo Chavez (1999-2013), d'avoir plongé ce pays producteur de pétrole dans une grave crise économique en n'ayant pas su prévoir la chute des cours du brut ni y réagir à temps.
Cette crise aux conséquences désastreuses, avec une pénurie de 80% des aliments et l'inflation la plus élevée au monde (475% cette année puis 1.660% en 2017, selon le FMI), a rendu très impopulaire le président Maduro : plus de six Vénézuéliens sur dix se disent prêts à voter pour sa révocation.
Mais les autorités électorales, que la MUD accuse de protéger l'exécutif, ont gelé la semaine dernière le processus vers un référendum révocatoire, qui aurait dû entrer dans sa dernière ligne droite mercredi avec un ultime recueil de signatures.
Furieuse, l'opposition a alors dénoncé un "coup d'Etat" et une "dictature".
"La seule manière de sortir de cette dictature est dans la rue, avec la population", a lancé Lilian Tintori, avant d'ajouter : "Je vous demande de la confiance, que nous ne pas tombions dans les divisions car l'unité est fondamentale".
En fin de matinée, la coalition de MUD a commencé à réunir en session extraordinaire l'unique pouvoir qu'elle contrôle pour l'instant : le Parlement, où elle est majoritaire.
"Le dialogue (avec le gouvernement, ndlr) n'a pas encore commencé car les conditions ne sont pas réunies", a assuré le député d'opposition Luis Florido.
A l'Assemblée, a-t-il ajouté, "nous allons débattre sur l'ouverture d'une procédure (contre Nicolas Maduro, ndlr), nous pouvons être aux portes de la destitution du président", accusé d'avoir utilisé les autorités électorales pour fomenter un "coup d'Etat".
Mais cette possibilité de "procès politique" évoquée par l'opposition n'existe pas dans la Constitution vénézuélienne, a prévenu mardi le numéro deux du chavisme, Diosdado Cabello.
Le juriste Jesus Maria Casal, expert juridique de l'Assemblée, a pourtant assuré que le texte inclut l'option d'invoquer la "responsabilité politique" des hauts fonctionnaires.
Consulté par l'AFP, le spécialiste en droit constitutionnel José Ignacio Hernandez a expliqué qu'une sanction politique et morale est effectivement prévue dans ce cas.