Attentat de la rue Copernic: 36 ans après, le mystère s'épaissit
Son extradition, trois décennies après les faits, avait soulagé les victimes. Mais Hassan Diab, seul suspect de l'attentat à la bombe contre la synagogue parisienne de la rue Copernic, en 1980, clame son innocence et de récents témoignages confortent son alibi.
Extradé en novembre 2014 du Canada, où il était devenu professeur universitaire en sociologie, ce suspect né au Liban avait été mis en examen par le juge antiterroriste Marc Trévidic, puis placé en détention provisoire. Le magistrat avait lancé un mandat d'arrêt international en 2008 et les parties civiles avaient salué sa ténacité à résoudre l'énigme du premier attentat mortel contre la communauté juive de France depuis la Libération (quatre morts, une quarantaine de blessés).
L'enquête a attribué l'attentat du 3 octobre 1980, non revendiqué, au Front populaire de Libération de la Palestine - Opérations spéciales (FPLP-OS), un groupe né d'une scission du FPLP, et les renseignements français avaient identifié en 1999 Hassan Diab comme celui qui avait confectionné l'engin explosif, caché sur une moto.
Plusieurs éléments à charge ont nourri le dossier du juge Trévidic: une ressemblance entre Diab et les portraits-robots d'un suspect; la découverte en 1981 à Rome d'un passeport à son nom, avec des tampons d'entrée et de sortie d'Espagne, pays d'où serait parti le commando; des expertises graphologiques réalisées sur une note d'hôtel où aurait séjourné un suspect; ou encore le témoignage d'un couple mettant en cause Diab comme appartenant aux groupes palestiniens au début des années 80.
- "Sérieux doute" -
Longtemps mutique, Hassan Diab s'est expliqué en janvier devant le nouveau juge d'instruction chargé du dossier, Jean-Marc Herbaut. Il a notamment affirmé qu'il se trouvait à Beyrouth lors des faits pour passer ses examens à l'université, citant les noms de deux femmes ayant révisé les épreuves avec lui.
L'une d'elle, Haidar S., a pu être entendue le 18 octobre, ainsi qu'un homme, Hussain S., autre camarade de Diab, a rapporté une source proche du dossier à l'AFP.
Ces deux témoins se sont montrés "catégoriques" pour affirmer qu'Hassan Diab avait passé les examens avec eux en 1980 et 1981. L'homme s'est souvenu que son anniversaire, le 9 octobre 1980, était tombé durant les épreuves, selon un compte-rendu du juge sur son déplacement au Liban, dont l'AFP a eu connaissance.
"Cela ne prouve rien", a réagi un avocat historique des parties civiles, Bernard Cahen. "Les examens ont duré plus d'un mois. Il a pu se rendre en France durant cette période." L'avocat pointe un autre témoignage, en septembre, d'une Américaine se présentant comme une ex-petite amie de Diab, à qui ce dernier aurait confié, au début des années 90, avoir "fait exploser une voiture".
Mais un précédent témoignage avait déjà conforté l'alibi du suspect, celui de son ex-épouse, Nawal Copty, entendue en avril.
Elle a raconté que Diab l'avait bien accompagnée à l'aéroport de Beyrouth le 28 septembre 1980, date à laquelle le possesseur du passeport retrouvé à Rome se trouvait déjà en Europe d'après les tampons sur le document. Diab avait raconté au juge qu'il avait perdu son passeport, mais qu'il n'en avait déclaré la perte qu'en 1983. Une version "qui laisse sceptique", selon une source proche du dossier.
Dans une ordonnance de mise en liberté du 27 octobre, le juge Herbaut estime que les nouveaux témoignages "permettent sérieusement de douter" qu'Hassan Diab "se soit déplacé en France via l'Espagne sur cette période de 15 jours entre le 20 septembre et le 7 octobre 1980 et partant qu'il soit le poseur de la bombe", selon une source proche du dossier. Le 4 novembre, la cour d'appel a toutefois ordonné son maintien en détention provisoire.
"Il n'y a strictement aucune explication rationnelle à cette obstination", a déploré l'avocat de Diab, William Bourdon.
Selon lui, "les seules explications possibles sont l'incroyable pression sécuritaire qui s'exerce aujourd'hui dans les affaires de terrorisme et la hantise de la cour d'appel et du parquet général de faire l'objet d'un procès en faiblesse de la part des parties civiles, à qui on a présenté Hassan Diab comme le seul suspect possible".