Exposition Gaston Lagaffe au Centre Georges-Pompidou: 5 enseignements à tirer si vous êtes un grand gaffeur
C'EST LA VIE - Vous êtes incapable de monter un escalier sans trébucher? Vous renversez systématiquement votre verre de vin à table? S'il y a un sujet tabou à ne pas évoquer avec votre meilleur ami, vous êtes certain d'y sauter à pieds joints? Dans votre désespoir, voilà de quoi vous réjouir: votre maître à penser, Gaston Lagaffe, s'apprête à connaître un glorieux destin en entrant, dès ce mercredi 7 décembre, à la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou.
Jusqu'au 10 avril 2017, celui qui reste l'un des plus grands héros de bande dessinée, et dont les frasques sont aussi cultes que son pull vert bien trop court, y est exposé à travers des dessins originaux et des planches en couleurs restaurées.
60 ans après sa naissance sous la mine d'André Franquin, le plus paresseux et subversif des antihéros de BD captive toujours autant. Ses gaffes et maladresses ne sont pas étrangères à ce succès, puisqu'elles ont permis à son public de s'identifier à lui. Si, vous aussi, vous faites partie de ces gaffeurs à qui Gaston a tout à envier, Le HuffPost vous donne quelques leçons à en tirer.
1. Il faut peut-être vous replonger dans votre enfance
"Le gaffeur fait penser à l'enfant libre", analyse la psychothérapeute Pascale Calmes. Comme l'enfant, le maladroit manque de filtres, se place toujours dans la sphère de la spontanéité et non dans celle du contrôle. Les conséquences des actes ou des mots ne sont plus prises en compte. C'est sans doute ce qui pousse Gaston Lagaffe, dans une planche de 1962, à lancer "un truc à déboucher les éviers" contre la porte de son bureau, juste pour tester l'adhérence de l'objet sur le bois (sans imaginer que son patron puisse entrer à ce moment-là dans son bureau...).
"Gaston Lagaffe fait penser au Tanguy d'aujourd'hui, celui qui ne veut pas grandir et ne veut pas trop de responsabilités", explique Cécile Acket, psychologue à Paris. Symbole de l'esprit soixante-huitard (avant même Mai 68), allergique au travail aliénant, doux rêveur et écolo avant l'heure, Gaston incarne une forme de résistance à l'autorité que notre époque connaît toujours. "Les jeunes, souvent, ont vu la souffrance de leurs parents et ne veulent plus travailler comme leurs aînés", continue Cécile Acket.
Parfois révélatrices d'une parole bridée dans l'enfance, qui chercherait à s'exprimer à rebours, les gaffes peuvent aussi s'inscrire dans cette relation à l'autorité. "On ne peut pas faire de gaffes si elles ne sont pas sous la menace d'une autorité. Un patron doit être redoutable. On doit le craindre, explique lui-même Franquin, cité dans le catalogue de l'exposition. Peu importe les circonstances, Gaston, lui, continue de jouer. Et c'est pour cela qu'on l'envie."
2. Vous êtes dans votre monde... celui de la créativité
Soyez rassuré: la maladresse est relative, selon Pascale Calmes. "Le gaffeur est dans son monde, dans son propre cadre de référence", explique la spécialiste, pour qui la maladresse est "une histoire de territoires". Un acte ou un mot maladroit peut l'être pour une personne et pas pour une autre.
Comme le Professeur Nimbus, un autre personnage de bande dessinée, grand rêveur et grand intello, Gaston Lagaffe se perd parfois dans ses pensées, dans ses rêves, auxquels il tente de donner vie à travers ses inventions farfelues. "C'est ça, pour moi, le véritable Gaston: c'est le personnage, capable d'entreprendre des histoires folles, sottes, inconcevables, sauf par lui, juste pour procurer un peu de plaisir à son poisson rouge!", explique Franquin pour expliquer que Lagaffe ait pu concevoir un aquarium-tunnel parcourant toute la rédaction dans laquelle il travaille.
"La maladresse peut être une manière de communiquer", décrit Pascale Calmes. Un lapsus ou un acte manqué peuvent être vus comme des "permissions inconscientes de dire quelque chose à l'autre". Pour Cécile Acket, les maladresses peuvent être l'espace d'expression des personnes atteintes, de près ou de loin, par une phobie sociale.
3. Acceptez votre maladresse, car vous en avez pour toute votre vie
Céline Acket le confirme, "les gaffes font partie de notre communication à tous". Certaines maladresses, comme les chutes ou les oublis, peuvent être le signe d'une surcharge de travail, d'une fatigue passagère, d'un problème d'attention ou d'une angoisse. "Les gaffes sont un message qu'il faut ralentir ou agir différemment", explique-t-elle.
Si vous avez le sentiment que la maladresse est inscrite dans vos gènes, n'espérez pas que cela s'arrête du jour au lendemain, tentez plutôt de vous analyser. "Avec qui ai-je gaffé? Qu'est-ce que cela dit de moi?", propose de s'interroger la psychanalyste. La gaffe en dit long sur une personne, son histoire, son éducation, son savoir-vivre. Il ne faut donc pas la rejeter mais plutôt tenter de "trouver son sens" et ce qui l'a provoquée par un travail d'introspection, estime Pascale Calmes.
"Il faut s'accepter comme on est!, relativise de son côté le docteur Michèle Mazeau, spécialiste en neuropsychologie infantile. Ce n'est pas quelque chose qu'il faut vouloir changer. Il faut rire gentiment de sa maladresse".
4. Ne vous en faites pas, vous ne provoquerez jamais que de l'indulgence
"La fatalité ne choisit pas ses victimes. Lebrac en est une comme les autres. (...) C'est un dessinateur, copain de Gaston. Et, parfois, victime aussi. Mais il est incapable d'en vouloir à Gaston. Il est trop indulgent", explique Franquin au sujet de son personnage au pull rouge, qui supporte gentiment les bourdes de son ami Lagaffe.
Quand elle fait une victime extérieure à soi, la gaffe ne provoque généralement pas un retour de haine. "La maladresse peut être charmante!", rassure Pascale Calmes. Car, parce qu'elle n'est pas volontaire, elle est toujours "dénuée de toute mauvaise intention", explique Catherine Aimelet-Périssol, médecin et psychothérapeute, à Psychologies.
En fait, le sujet "s'inflige tant de retenue et de pression par peur de gaffer que les gestes déplacés et les mots interdits qu'il s'efforce de maîtriser finissent par lui échapper et rejaillir à son insu", explique la spécialiste. "Normalement, un geste réussi est automatisé, et pas sous le contrôle de la volonté, comme passer une vitesse en voiture par exemple, développe Michèle Mazeau. À partir du moment où il y a un contrôle volontaire, on bouscule le plan du geste".
5. Si c'était pathologique, vous le sauriez déjà
La maladresse est plurielle. Lorsqu'elle pose problème à l'enfant dès ses premières années, et qu'elle s'inscrit dans la durée, elle devient une pathologie: la dyspraxie. Michèle Mazeau, spécialiste des "troubles dys" (dyslexie, dysphasie, dyscalculie...) et particulièrement de la dyspraxie, estime à 5% la part des enfants atteints de dyspraxie en France (les garçons étant 3 fois plus touchés que les filles).
Ces enfants ont, de naissance, des difficultés à "développer convenablement leurs gestes", explique la spécialiste, qui collabore avec l'association Dyspraxie France Dys. Atteints d'aucune déficience physique ou intellectuelle, ils ont pourtant du mal à rentrer leur chemise dans leur pantalon, se rincer convenablement le corps après leur douche, sauter au bon endroit dans les cases d'une marelle ou relier les points d'un dessin. Les difficultés d'écriture sont le premier motif de consultation chez un spécialiste.
La pathologie provient d'une "anomalie du développement cérébral de certains circuits qui ne se développent pas parfaitement", explique Michèle Mazeau, qui a reçu en 2005 un "Gaston Lagaffe d'honneur", à l'issue d'un colloque, pour son travail auprès de ces grands maladroits. Un défaut léger qui suffit à rendre leur vie compliquée et provoquer parfois leur échec scolaire. "Leurs mains ne leur obéissent plus", décrit-elle.
La dyspraxie ne se guérit pas, mais l'âge permet d'acquérir plus de liberté face à la dyspraxie et de s'armer. Un enfant a ainsi récemment confié à Michèle Mazeau comment il contourne la difficulté que présentait pour lui un repas au fast-food: il a abandonné le hamburger, qu'il n'arrivait pas à manger, pour préférer les nuggets. L'infatigable Gaston Lagaffe pourrait en prendre de la graine.
Lire aussi :
• BLOG. La méditation, un exercice spirituel et pas un simple remède au stress
• BLOG. 10 façons dont les introvertis interagissent différemment avec le monde
• 5 leçons de vie du "Petit Prince" validées par la science
• Pour suivre les dernières actualités en direct sur Le HuffPost C'est La Vie, cliquez ici
• Deux fois par semaine, recevez gratuitement la newsletter du HuffPost C'est La Vie
À voir également sur Le HuffPost: