La philosophie d'Emmanuel Macron est de créer une protection sociale plus universelle
Dans une tribune pour le site en ligne de l'hebdomadaire Marianne, l'économiste Henri Sterdyniak conteste vivement la proposition d'Emmanuel Macron de supprimer les cotisations salariales d'assurance maladie et d'assurance chômage, tout en compensant cette suppression par une augmentation de la CSG. Or les arguments qu'il avance ne résistent pas à une analyse rigoureuse de cette proposition.
Sa première critique réside dans l'inconstitutionnalité supposée de la mesure, au regard notamment d'une décision du Conseil Constitutionnel du 6 août 2014. Cette décision avait censuré une disposition du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale introduisant une exonération de cotisations salariales dégressive en fonction du salaire. L'argument invoqué par le Conseil était alors que ceci constituerait une rupture d'égalité entre les salariés du même régime car celui-ci continuerait "à financer, pour l'ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l'absence de versement, par près d'un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations servies par ce régime".
C'est donc bien la différence de traitement entre les salariés d'un même régime, certains continuant de devoir cotiser alors que d'autres étant totalement exonérés, qui avait alors motivé la censure du dispositif. Or la mesure défendue par Emmanuel Macron s'appliquerait de manière uniforme à l'ensemble des salariés sans aucune dégressivité, de sorte qu'elle ne se situe pas dans le cadre de la jurisprudence du 6 août invoquée par Henri Sterdyniak. Au contraire, cette proposition tire bien les leçons de cette jurisprudence, dans le respect des principes constitutionnels.
Henri Sterdyniak considère que l'objectif visé serait en réalité de remettre en cause le principe même de l'assurance chômage, avec pour conséquence une restriction des droits à l'indemnisation. La lecture des propositions d'Emmanuel Macron sur le sujet devrait le rassurer, car celles-ci poursuivent précisément l'objectif inverse. En effet, contrairement à ce qu'affirme Henri Sterdyniak la protection de l'assurance chômage ne "bénéficie pas à tous les salariés": à l'heure actuelle, plus d'un chômeur sur deux n'y est pas éligible parce qu'il n'a pas cotisé suffisamment dans l'emploi salarié, ou qu'il ne se trouve pas dans un cas ouvrant droit à l'indemnisation (comme le licenciement, la rupture conventionnelle ou la fin d'un contrat court).
Les chômeurs éligibles bénéficient d'une allocation relativement généreuse par rapport aux autres pays européens, et même très généreuse pour les plus qualifiés, le plafond de l'indemnisation se situant à plus de 7000 euros en France, contre 2000 euros en moyenne dans l'Union européenne. En revanche, les chômeurs non éligibles se trouvent contraints de vivre des minima sociaux, avec pour conséquence leur basculement fréquent dans la pauvreté.
Face à ce constat la philosophie d'Emmanuel Macron est de créer une protection sociale plus universelle, dont l'assurance chômage serait un des piliers. C'est pour cette raison qu'il souhaite ouvrir le bénéfice de l'assurance chômage aux salariés démissionnaires et aux indépendants. Contrairement à ce qu'indique Henri Sterdyniak les exercices de simulation financière montrent qu'il est possible d'élargir ainsi l'assurance chômage sans réduire significativement le taux de remplacement, c'est-à-dire le montant des allocations en proportion du dernier salaire. Un système plus solidaire, en somme.
Henri Sterdyniak conteste également la proposition visant à donner à l'Etat un pouvoir de décision accru dans le pilotage et la gestion de l'Unédic, qui est aujourd'hui gérée par les partenaires sociaux. Cette démarche aboutirait selon lui à ce que "les décisions soient prises par le patronat et par l'Etat", ce qui témoigne d'une certaine confusion concernant le fonctionnement du système actuel car le MEDEF est aujourd'hui co-gestionnaire du régime d'assurance chômage...
La proposition d'Emmanuel Macron aurait au contraire pour conséquence de limiter son intervention pour faire prévaloir l'intérêt général. Il faut en effet rappeler que l'État garantit la dette de l'Unédic, qui atteint désormais près de 30 milliards d'euros et se trouve comptabilisée dans la dette publique au sens large. A ce titre il est légitime qu'il ait son mot à dire dans la définition des règles de l'assurance chômage. Plus fondamentalement encore, ces règles ont des effets sur le niveau du chômage et sur la précarité de l'emploi.
A titre d'exemple, les paramètres de l'assurance chômage incitent aujourd'hui à la multiplication de contrats très courts permettant de recharger ses droits grâce au régime de l'activité réduite. Ceci se traduit par de fréquents passages par le chômage, et les plus fragiles deviennent dans ce système la variable d'ajustement de la flexibilité donnée aux entreprises: une récente étude de l'Unédic a montré que deux tiers des embauches en CDD étaient en réalité des réembauches chez le même employeur. Ainsi les règles de l'assurance-chômage concourent-elles à empêcher le retour à l'emploi stable, et à inscrire certains demandeurs d'emploi dans des trajectoires faites de précarité durant des années, voire des décennies.
Les propositions d'Emmanuel Macron visent au fond à résoudre un paradoxe: les partenaires sociaux ont entre les mains des leviers essentiels pour lutter contre le chômage et la précarité, alors que c'est à l'Etat qu'incombe la responsabilité politique de cette lutte. Une intervention accrue de celui-ci dans l'assurance chômage est donc nécessaire pour bâtir un système profitant à plus de demandeurs d'emploi, et reposant sur des règles qui incitent réellement à reprendre un emploi stable.
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