Après Les Olympiades, marivaudage parisien en noir et blanc, Jacques Audiard offre au Festival de Cannes son premier choc avec Emilia Perez, projeté en compétition officielle. Un thriller qui prend la forme d'une comédie musicale et met en scène l'actrice trans Karla Sofía Gascón et la popstar Selena Gomez.
Cela commence par un murmure, qui devient une chanson, un ballet. Autant de formes différentes pour accompagner un sentiment de révolte, celui qui hante Rita (Zoe Saldana), avocate brillante qui n’en peut plus de faire des compromis en travaillant activement à la défense de coupables évidents. Dès l’ouverture de son nouveau film, présenté au Festival de Cannes ce samedi 18 mai, Jacques Audiard met en place les ingrédients de son thriller sous forme de comédie musicale : repérée par le puissant chef d’un cartel mexicain, Rita se voit offrir une mission plus qu’inédite, aider ce puissant criminel à devenir la femme qu’il a toujours été et à disparaître.
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Ce n’est que quelques années plus tard que Rita se retrouve en présence de celle qu’elle a aidée à renaître sous le nom d’Emilia Perez (Karla Sofía Gascón). La femme d’affaires mène de front ses activités professionnelles, fait en sorte de se rapprocher de ses enfants en se faisant passer pour une tante auprès de son ex-femme un peu volage (Selena Gomez), et se fait connaître en se mettant du côté des femmes qui se battent pour retrouver leurs disparus, victimes de la terreur permanente qu’imposent les cartels mexicains de la drogue.
Trois personnages féminins en lutte
Le réalisateur d’Un Prophète, Palme d’or pour Deephan en 2015, propose avec Emilia Perez un combo plus qu’inédit, et qui n’est pas à un paradoxe près : la comédie musicale, sublimement chorégraphiée par Damien Jalet et par une caméra à la précision d’une danseuse, épouse le film noir, le thriller, et le drame – celui de devoir passer pour mort plutôt que d’assumer une transition incompréhensible aux yeux des siens et de ses pairs. "Le film aussi est transgenre", revendique son réalisateur, qui a insisté sur le rôle de Karla Sofía Gascón dans sa conception, pour laquelle il revendique une Palme : "Le film n’existerait pas sans elle car je ne suis qu’un petit homme blanc qui devait s’appuyer sur sa science."
Emilia Perez s’inscrit merveilleusement dans l’époque puisqu’Audiard choisit de se concentrer sur ses trois personnages féminins (les seuls à exister vraiment), qui se débattent dans un monde formaté par la violence des hommes. Le réalisateur utilise tous les outils à sa disposition pour construire une œuvre totale, espèce d’hyper-film à la fois classique et résolument novateur. Un chef-d’œuvre, salué comme tel sur la Croisette.,
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Crédit Photo : Why Not Productions