Les méduses, un fléau pour la baignade mais un trésor pour la science
Depuis la mi-juin, sur nombre de plages corses et azuréennes, les Pelagia noctiluca, petites méduses violettes présentes partout en Méditerranée, sont ballottées par dizaines par le ressac de la mer. Mais espérer s’en débarrasser est illusoire.Constituées de 95 à 98 % d’eau, dépourvues de cerveau, capables de flotter et nager mais pas de résister aux courants marins, elles font partie du zooplancton. Et « elles sont présentes toute l’année, dans un courant qui fait le tour de la Méditerranée et a tendance à rester au large », a expliqué Fabien Lombard, enseignant-chercheur au centre d’océanographie de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes). « C’est le flux de sud qui les a ramenées sur les côtes ».« Ces animaux aveugles piquent tout ce qu’ils touchent pour essayer de manger. Ils injectent des neurotoxines pour immobiliser leur proie, et des enzymes de digestion », explique Fabien Lombard.Au niveau environnemental, leur prolifération serait telle qu’elle provoquerait une « gélification » des océans, selon un rapport de septembre 2019 du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec).Une affirmation qui divise la communauté scientifique : « On n’a pas de mesures fiables permettant de dire qu’il y en a plus », précise Fabien Lombard.
Etude des chocs anaphylactiquesPour Lovina Fullgrabe, scientifique de la station de recherche sous-marine et océanographique (Stareso) de Calvi (Haute-Corse), « la surpêche, qui élimine leurs prédateurs comme les thons ou les tortues, est une des hypothèses » privilégiées pour expliquer cette plus grande fréquence.Mais si ces animaux inquiètent, ils ont aussi permis des avancées scientifiques notables.En 1913, le prix Nobel de médecine a récompensé des travaux sur le fonctionnement du venin de cousines de méduses qui ont permis de comprendre « le choc anaphylactique » : le venin diminue au lieu de renforcer l’immunité des personnes déjà piquées. « C’était un peu une révolution, jusque-là tout le monde était plutôt dans l’idée que “plus on s’expose à quelque chose, moins on y est sensible” », explique Fabien Lombard.
Une capacité à briller dans le noirEn 2008, un second prix Nobel, de chimie cette fois-ci, a couronné des travaux sur la capacité de certaines méduses à briller dans le noir, via une protéine. Cette fluorescence a été utilisée par de nombreux biochimistes, biologistes et chercheurs en médecine dans leurs recherches, notamment sur les tumeurs ou la maladie d’Alzheimer, avait souligné en 2008 le comité Nobel.« Ça a révolutionné la biologie cellulaire en permettant littéralement d’ “allumer” les cellules quand elles s’activent, pour voir comment elles fonctionnent », a résumé Fabien Lombard.
Des méduses au lac de Faux-la-Montagne
La Nasa a, elle, embarqué des méduses à bord de vols spatiaux pour étudier leur reproduction en apesanteur, et l’Union européenne a lancé un appel à projets en 2017, « GoJelly » pour étudier comment en tirer profit dans les secteurs de l’alimentation, la fertilisation, la cosmétique ou la dépollution.
Pour la repousse des cartilages humainsCar « les méduses sont pleines de potentiel », assure l’enseignant-chercheur : elles servent comme alimentation de poissons d’aquaculture, engrais ou stabilisant d’humidité des sols pour des cultures comme la vigne dans les Landes, le riz en Chine ou le basilic au Mexique. Leur collagène est utilisé dans les cosmétiques, les couches-culottes ou les tampons hygiéniques, en Israël, et pour assouplir le béton dans des installations antisismiques en Russie, énumère le scientifique.Pour lui, l’utilisation la plus prometteuse est celle « du mucus de méduse », composé d’une molécule qui « semble favoriser la repousse des cartilages » humains.
Chacun a sa méthode pour calmer les douleurs d'après-piqûres. "Faire pipi dessus ne sert à rien", assure Fabien Lombard, qui conseille de ne surtout pas "frotter, rincer à l'eau de mer et enlever les cellules urticantes avec du sable mouillé". Par ailleurs, des sites Internet permettent de suivre leur présence, comme meduseo.com ou www.frequence-sud.fr/carte-meduses.
AFP